Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/854

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus tard par ces mots : « Il me paraît que nous pouvons être bien sûrs, grâces en soient rendues à la bonté divine ! que tous les efforts et toutes les intrigues de la cour de Suède pour augmenter son pouvoir n’aboutiront jamais à rien. »

La dépêche qui contient ces lignes est du 1er juillet 1766. La même année précisément, la Pologne recevait par l’organe du prince Repnin, dictateur au nom de la Russie, les ordres de Catherine II. Non-seulement elle entendait qu’on donnât satisfaction aux dissidens, au nom desquels elle se réservait le droit d’intervenir à son gré, mais encore elle exigeait l’entier rétablissement de la loi du liberum veto, de telle sorte que l’opposition d’un seul membre de la diète polonaise venant prononcer les paroles célèbres : Sisto activitatem, rendît nulle toute délibération relative aux affaires d’état. Que l’on compare les conditions imposées à la Suède avec celles que subissait déjà la Pologne, on ne trouvera nulle différence. À Stockholm aussi bien qu’à Varsovie, la Russie et la Prusse soutenaient une constitution anarchique, s’opposaient avec une perfide énergie à toute réforme, à tout changement de cette constitution qui eût pu sauver le pays, et comptaient susciter ainsi quelque désordre intérieur servant de prétexte à leur dangereuse intervention. Nous avons dit que la ressemblance entre les deux conspirations ne s’arrêtait pas là, et qu’on voulait un double démembrement qui consommât la double ruine : les deux traités du 12 octobre et du 13 décembre 1769 vont, par leurs articles secrets, nous en donner les preuves.

Le traité du 12 octobre, conclu entre la Russie et la Prusse, est précisément celui qui contient ce troisième article secret, resté inconnu jusqu’à ce que M. le comte de Manderström, aujourd’hui ministre des affaires étrangères à Stockholm, l’eût fait connaître en 1847 par la publication d’un recueil de pièces diplomatiques tiré à quarante exemplaires[1]. Cet article secret renouvelle d’abord les engagemens réciproques de Frédéric et de Catherine en vue d’empêcher tout changement de la constitution suédoise de 1720 ; mais il va plus loin lorsqu’il dit :


« Si la coopération des ministres prussien et russe ne suffit pas, et que l’empire de Russie soit attaqué par la Suède, ou qu’une faction dominante dans ce royaume bouleverse la constitution dans ses articles fondamentaux, par exemple en. accordant au roi le pouvoir illimité de faire des

  1. Nous avons donné ce document dans la Revue du 15 février 1855, et M. Casimir Perier s’en est servi récemment encore pour commenter habilement la correspondance de lord Malmesbury (voyez la livraison du 1er septembre 1863). L’original en est conservé aux archives de Berlin et se trouve de tout point conforme à la copie dont M. le comte de Manderström a fait usage.