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payables après leur entière exécution. Cette méthode a de la peine à prendre, mais je n’en veux pas sortir. J’ai été trop souvent trompé depuis le commencement de la diète pour vouloir confier encore au hasard des sommes considérables. — 31 janvier. J’ai affaire à des gens trop écartés de toute décence, et de plus à une profusion d’argent qu’il m’est impossible de surmonter. Je supplie le roi de vouloir bien ajouter à ses bienfaits pour le soutien du parti patriotique la somme de 200,000 livres, outre les 100,000 ci-dessus. — 14 février. Le comte de Rosenadler, qui vient de quitter le ministère, a perdu, en renonçant à sa place de sénateur, 8,000 écus… Si le roi voulait faire à ce vieux seigneur la grâce de lui donner une pension de 12,000 livres, il aurait de quoi vivre avec décence dans sa retraite. — 28 février. Les bonnets ont répondu au mémoire de M. le comte de Fersen, chef des chapeaux. Ce grand républicain a soutenu dans le plenum du 25 une ardente discussion mêlée de cris furibonds ; cent cinquante de ses amis avaient juré de ne pas sortir avec une goutte de sang de la chambre des nobles, si la majorité n’était pas pour eux. Il m’avait fait passer un billet la veille ; j’ai mis de l’argent à sa disposition… Les bourgeois, malgré leurs promesses et tout ce que j’ai fait pour eux, m’ont encore manqué avec une friponnerie sans égale ; j’abandonne sans retour les trois derniers ordres pour ne me tenir attaché qu’à la noblesse. »


Le cabinet de Versailles dut renoncer même au concours si chèrement payé de cette noblesse, et vit pendant les premiers mois de 1766 le gouvernement suédois conclure un traité d’amitié avec l’Angleterre. C’était rompre ouvertement avec nous et nous braver. Le duc de Choiseul était alors au pouvoir ; il crut le temps arrivé de changer de maximes et de conduite, de montrer une tardive énergie et d’autres armes que celles d’une avilissante et stérile corruption. Peut-être soupçonnait-il le redoutable complot que les puissances voisines de la Suède, profitant de son anarchie, avaient tramé dans un profond secret contre l’existence même de cet état, notre allié naturel, et contre tout l’équilibre du Nord.


II

L’histoire de la diplomatie européenne au XVIIIe siècle est encore à faire, et c’est à peine si les documens en sont réunis. Nous sommes loin de connaître toute la série des nombreux traités conclus alors, et les textes déjà publiés, par exemple dans le grand recueil de Martens, sont fréquemment incomplets : beaucoup d’articles secrets, qui souvent contiennent les véritables intentions des cours, soigneusement dissimulés à l’origine par les cabinets, se retrouvent. aujourd’hui dans la poussière des archives, d’où nous commençons seulement à les tirer. Cette sorte d’exhumation intéresse au plus haut point l’histoire, puisqu’elle lui rend l’explication et lui dévoile