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tous les projets de réforme qui ont surgi depuis quelque temps, voilà ce que nous ne comprenons pas et ce qui nous paraît difficile à prouver. S’imagine-t-on que, s’il y avait la liberté des banques, on aurait moins besoin d’argent ? On oublie toujours, quand on parle de la liberté des banques et de l’extension à donner au papier-monnaie, que cette extension ne dépend ni du législateur ni des banques : c’est le public seul qui est juge de la quantité de papier-monnaie qu’il veut recevoir et garder, et si vous lui en donnez plus qu’il ne lui convient d’en prendre, il porte immédiatement au guichet du remboursement ce qu’il a reçu au guichet d’émission. Aujourd’hui, pour des raisons qu’il est facile d’indiquer, il a besoin d’espèces métalliques ; on aura beau créer de nouvelles banques d’émission en concurrence avec la Banque de France, on ne parviendra point à lui donner le change et à lui faire accepter du papier lorsqu’il a besoin de numéraire. On dit que les besoins d’argent sont factices et sont l’œuvre de la spéculation exclusivement. Nous ne savons pas si la spéculation s’en mêle : cela est possible, parce que la spéculation se mêle à tous les courans commerciaux, et le trafic du numéraire est en ce moment de ce nombre ; mais ce que nous pouvons assurer, c’est qu’elle n’est tout au plus que l’accessoire dans les besoins qui existent.

Autrefois, lorsque l’Amérique était en paix et que l’Europe allait y chercher son approvisionnement de coton, il y avait entre les deux pays de telles relations commerciales que les exportations balançaient les importations, sans que l’Europe eût un sou à débourser pour payer les différences. Les produits s’échangeaient réellement contre des produits, et s’il y avait une balance, elle s’établissait à notre profit. Il n’en est plus de même aujourd’hui, les pays auxquels nous demandons le coton, comme l’Inde et l’Égypte, sont des pays avec lesquels nous faisons peu d’affaires : Ils peuvent bien à un certain moment nous vendre la denrée dont nous avons besoin, mais ils ne nous demandent rien en retour que de l’argent, et il faut ajouter qu’à raison même des difficultés de l’approvisionnement on paie le coton aujourd’hui beaucoup plus cher que lorsque nous le tirions d’Amérique pour la plus grande partie. L’Economist du 14 novembre 1863 donnait le chiffre du prix des importations de coton de l’Inde en Angleterre dans les huit premiers mois de l’année : il s’élevait à 14 millions de livres sterling contre 3,354,000 livres sterling en 1861 et 6,673,000 livres sterling en 1862, et dans ce chiffre il n’est question que de l’Inde ; il n’est pas question des autres pays de provenance, tels que l’Égypte, le Brésil, l’Italie, etc. On ne sera certainement pas au-dessus de la vérité en estimant à 6 ou 700 millions la somme de numéraire qu’il