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absolue. La date de 1680 est particulièrement le pivot de l’histoire constitutionnelle de la Suède. Il y avait eu dans ce pays une puissante noblesse, celle qui se pressait jadis autour de Gustave-Adolphe, et qui avait donné les Oxenstiern, les Baner, les Torstenson et les Wrangel. Après avoir glorieusement servi sur les champs de bataille, cette noblesse s’était enrichie soit des dépouilles de l’Allemagne à la suite de la guerre de trente ans, soit des libéralités excessives des rois, qui, pour subvenir aux dépenses incessantes de la guerre extérieure, payaient les secours et les bons offices en morcelant le domaine de la couronne. L’opulence et l’inaction corrompirent les héritiers de ces nobles que la valeur et le dévouement avaient élevés ; les paysans, que la couronne avait traités avec humanité sur ses anciens domaines, se virent réduits à un dur servage pendant que de nouveaux latifundia, formés au détriment de la couronne, menaçaient d’étouffer le pays sous un vaste réseau de monopoles et de privilèges. La jalousie et les craintes légitimes de la nation se firent jour dans la diète qui siégeait à Stockholm ; les trois ordres du clergé, de la bourgeoisie et des paysans pouvaient, en se réunissant, fournir contre l’aristocratie des armes à la royauté, si elle voulait reprendre son ancien ascendant. Ils s’offrirent ; l’impétueux Charles XI ne laissa, pas échapper cette occasion de revendiquer ses droits et quelque chose de plus ; autorisé par les représentans des ordres inférieurs, il opéra, non sans violence, la fameuse réduction par laquelle il reprit les domaines que la couronne avait jadis aliénés. « Il s’appliqua avec trop de succès, dit Saint-Simon, son contemporain, à la destruction radicale de l’ancienne et grande noblesse, à laquelle il substitua des gens de rien… Le genre obscur et cruel de la longue maladie dont il mourut a fait douter entre la main de Dieu vengeresse et le poison. » Par de telles atteintes, la royauté transformait une manœuvre purement politique en une révolution sociale à son profit. Une fois la grande propriété détruite aux mains de la noblesse, cet ordre parut compter à peine dans l’état ; comme en France, le milieu qui subsistait entre la royauté et le peuple fut détruit ; les représentans de ce peuple ayant abdiqué au profit de la couronne, celle-ci se trouva seule et souveraine maîtresse : il fut déclaré que sa volonté faisait la loi, et que nulle constitution ne la devait enchaîner. C’est ce que proclama pendant sa courte durée la diète de 1680 : l’absolutisme royal fut établi en Suède pour une période de quarante années.

Si la royauté ne demeura pas souveraine plus longtemps encore, ce fut sa faute. Charles XI et Charles XII abusèrent d’un pouvoir sans contrôle ; ce dernier surtout, par des fautes que les petits-fils ont pardonnées en faveur de la gloire, mais dont les contemporains