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au lieu d’être une pièce d’or ou d’argent, cela change-t-il la question ? Il s’agit toujours de la fabrication de la monnaie, et si on a jugé utile que la monnaie métallique n’eût qu’un seul type avec la garantie de l’état, nous ne voyons pas qu’il y ait lieu de faire autrement pour la monnaie fiduciaire ou le billet au porteur.

Si vous donnez à plusieurs banques le droit d’émettre des billets, ils se nuiront les uns aux autres par leur diversité même ; ici on prendra les billets de telle banque, là ceux de telle autre suivant le degré de confiance qu’on aura et surtout, suivant la possibilité où l’on sera d’être remboursé en espèces à volonté ; en général les billets émis par une banque n’ont guère de circulation que dans le rayon de la localité où la banque est établie. C’est ce qui avait lieu lorsque nous avions des banques départementales ; les billets émis par ces banques ne sortaient guère d’un certain rayon, et en même temps ils empêchaient ceux de la Banque de France d’y pénétrer, de sorte que, pour un paiement à faire dans une localité où il y avait Une banque d’émission, il fallait procéder par voie de change, comme on fait vis-à-vis de pays étrangers, ou se procurer des billets émis par la banque de cette localité même, ce qui dans la pratique avait de grands inconvéniens et tendait à restreindre la circulation de la monnaie fiduciaire ; le grand avantage du billet au porteur, c’est de pouvoir circuler partout et d’être accepté partout comme de la monnaie. Or cet avantage, il n’y a qu’un établissement central comme la Banque de France, placée sous le contrôle direct de l’état et ayant un capital considérable, qui puisse l’assurer. Cela est si vrai que c’est à partir du moment où la concurrence des banques départementales a été supprimée que la monnaie fiduciaire a pris son plus grand essor. En 1846, lorsqu’il y avait encore des banques départementales, la monnaie fiduciaire de toutes ces banques, jointe à celle de la Banque de France et de ses succursales, ne dépassait pas 363 millions ; après la fusion, en 1850, elle s’est tout à coup élevée à 470 millions ; elle était de plus de 800 millions au bilan de novembre 1863, et de 754 millions à celui de décembre. Par conséquent ce n’est pas au point de vue de l’extension de sa monnaie fiduciaire qu’il faut se placer pour demander la liberté des banques d’émission. Serait-ce à celui de la sécurité ? Croit-on que les banques d’émission libres donneraient plus de sécurité et inspireraient plus de confiance que le monopole d’une seule banque ? Ici encore les faits sont d’accord avec la théorie pour démontrer le contraire. S’il y avait plusieurs banques ayant le droit d’émettre du papier-monnaie, ces banques seraient en quelque sorte solidaires les unes des autres ; la moindre atteinte portée au crédit de l’une les ébranlerait toutes plus ou moins. En