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général, politique habile, a jusqu’à présent évité de se commettre directement contre nous ; on dirait qu’il s’est réservé, attendant les événemens, la possibilité de s’entendre avec la politique française. D’un autre côté, l’esprit libéral dont témoignent les actes du général Bazaine rend probable une entente prochaine entre notre politique et le parti libéral mexicain. Qu’une transaction de cette nature s’opère, que le général Doblado se mette d’accord avec le général Bazaine et rallie à la politique française le parti libéral dont il est le chef, et les choses pourront s’arranger. Même avec l’archiduc Maximilien pour empereur, le général Doblado, s’il fait cette paix, demeurera le personnage le plus important du Mexique. Quant aux responsabilités qu’encourrait la France en donnant à l’archiduc la couronne mexicaine, par la vigoureuse netteté avec laquelle il les a dénoncées, M. Thiers les a bien diminuées, ce nous semble ; l’archiduc ne nous parait plus avoir le droit de les invoquer. Tout le monde est d’accord que la France n’a plus à chercher au Mexique qu’un prétexte honorable d’en sortir. Si, en échange du trône précaire que nous lui aurons procuré, l’archiduc Maximilien veut bien nous fournir ce prétexte, les deux parties seront quittes, l’archiduc n’aura plus de retour à nous demander, nous ne lui devrons plus que des vœux de bon succès. Il nous semble qu’aujourd’hui l’esprit d’une semblable transaction ne peut plus être compris autrement.

La question brûlante du moment, la crise dano-allemande, est celle qui a le moins arrêté l’attention du corps législatif. Il faut convenir en effet que cette question qui met l’Allemagne en effervescence, qui lie la Prusse et l’Autriche dans une étroite et surprenante union, qui sépare les grandes puissances allemandes des états secondaires de la confédération, qui excite l’amour-propre et l’ardeur des états scandinaves, qui doit inspirer à la Russie des préoccupations sérieuses, qui imprime à la diplomatie britannique une activité singulière et impose au gouvernement anglais des mesures de vigueur inusitées, laisse la France nous ne dirons pas indifférente, mais simplement spectatrice. À prendre cette question par le point de vue des grandes puissances, il s’agit là de l’équilibre du Nord. En quelles mains resteront ou vont se trouver les passes de la Mer du Nord et de la Baltique ? Celle des grandes puissances que cette question intéresse le plus directement est celle justement qui fait le moins de bruit à cette heure, c’est la Russie. Si l’Allemagne s’empare de la rade de Kiel, et si par une réaction contraire les peuples scandinaves se fusionnent, le débouché maritime de la Russie au nord va se trouver à la merci de puissances capables, d’en ouvrir ou d’en fermer à volonté l’issue. L’intérêt russe veut manifestement que les choses restent comme elles ont été jusqu’à présent, et que l’intégrité de la monarchie danoise soit respectée. L’intérêt anglais, quoique bien moins vivement affecté dans la question, coïncide cependant ici avec l’intérêt russe. La Prusse et l’Autriche sont dans une position mixte : comme états allemands, elles sont obligées de garder certains ménagemens envers l’esprit national allemand ; comme grandes puissances, elles sont dominées par