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REVUE. — CHRONIQUE.

dit au barreau, l’affaire du Mexique et les questions européennes. Pour le Mexique, combien ne faut-il pas regretter que cette entreprise n’ait point été au début l’objet d’une délibération approfondie, semblable à celle à laquelle vient de la soumettre rétrospectivement M. Thiers ! Le discours de M. Thiers vient de rendre un million de lecteurs aussi maîtres de la question mexicaine qu’auraient pu le devenir après un long travail les plus studieux des diplomates. Qu’on réfléchisse sur l’esprit et la portée de cette discussion si complète ; personne ne contestera que l’enquête à laquelle M. Thiers n’a pu se livrer qu’après coup aurait pu et par conséquent aurait dû être faite avant notre expédition, et aurait dû ou nous en détourner complètement, ou prévenir les fautes que nous y avons commises. À coup sûr, si M. Thiers eût été à la chambre en 1861 et 1862, il eût pu éclairer à temps et le pays et le gouvernement lui-même sur les conséquences inévitables de l’expédition mexicaine, il eût montré dès l’origine qu’on n’avait pas le droit de compter sur le concours de l’Angleterre et de l’Espagne, que si nous voulions pousser l’entreprise jusqu’à réaliser un changement de gouvernement, nous demeurerions seuls, que, demeurant seuls, nous serions obligés de faire un effort ruineux pour nos finances afin d’obtenir des résultats militaires qui ne pouvaient assurer un résultat politique durable. En 1862 aussi bien qu’en 1864, M. Thiers nous eût prouvé que le Mexique était radicalement impuissant à nous indemniser des frais de notre entreprise ; il nous eût montré l’illusion chimérique de l’exploitation des mines de métaux précieux ; il nous eût rappelé que la richesse des mines ne s’obtient point à titre gratuit, qu’elle est le prix de grandes avances de capital et d’une application énergique de travail ; il nous eût prévenus contre ce bizarre esprit de générosité et de munificence qui nous poussait à dépenser le sang et l’or de la France pour donner un trône d’aventure à un archiduc autrichien. Si le discours de M. Thiers eût pu être prononcé à temps, qui osera dire qu’une connaissance si exacte des faits et une argumentation si lumineuse eussent été sans influence, nous ne disons pas sur l’opinion du pays, mais sur la politique même du gouvernement ? On a là un exemple saisissant des services décisifs que peut rendre à notre pays l’autorité d’une opposition instruite et vigilante, une démonstration souveraine de l’intérêt qu’a un grand peuple à posséder dans sa représentation une opposition semblable. Au point où en sont les choses, si le jugement porté par M. Thiers sur les affaires du Mexique ne peut point réparer les fautes du passé, la vive lumière qu’il a faite dans l’opinion ne sera point perdue, nous en avons la ferme espérance, pour la direction de la politique future. Pour obtenir au Mexique une pacification nous ne disons pas même durable, mais temporaire, il est démontré à tous maintenant qu’il faut traiter, non pas avec Juarez, puisqu’il a eu la malheureuse fortune d’être notre ennemi, mais avec le parti dont Juarez était le représentant. L’homme important de ce parti est le général Doblado. Ce