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L’étymologie comparée des mots indo-européens qui ont trait à la guerre démontre, d’autre part, que nos ancêtres étaient un peuple hardi, belliqueux, chez qui les idées de combat, de prouesse, de butin, tenaient une grande place. Six branches de la famille aryenne expriment par le même mot l’idée de gloire, comprise comme le résultat d’exploits retentissant au loin. Les armures doivent aussi remonter très haut. Chacun a pu voir, par les figurines des moulures prises sur la colonne Trajane et qui faisaient partie de la collection Campana, que les Germains, combattus par Trajan sur le Danube, sont déjà bardés de fer comme des chevaliers du moyen âge. Le drapeau est un très vieux mot, et la chose qu’il représente, les sentimens qu’il inspire, doivent être aussi fort anciens dans notre race.

Si l’on tâche de pénétrer dans la vie domestique des peuples aryens, on les trouve logés dans des maisons de bois (le mot mur originairement ne signifie point autre chose qu’un clayonnage), et l’un des noms primitifs du toit fait supposer qu’il consistait en pièces reliées ensemble et convergeant vers le haut de l’édifice. Ils ne paraissent pas avoir eu de fenêtres ni de seuil proprement dit, mais ils avaient des portes. L’ancien foyer consistait en une pierre établie au centre de la demeure, et la cuisine, comme dans nos vieilles fermes, était le lieu de réunion proprement dit de la famille. Nos ancêtres étaient vêtus, cela va sans dire, mais s’il est impossible de préciser leur genre de costumes, il est intéressant d’observer que les mots corrélatifs, sanscrits et européens, qui expriment la nudité, se rattachent à une racine qui exprime la honte. Ils doivent avoir eu aussi un goût prononcé pour les boissons fortes. À défaut du vin, ils ont su faire de l’hydromel, et les deux liqueurs échangent souvent leurs noms dans les diverses branches de la famille. Le terme de nectar est vieux et doit, d’après M. Kuhn, avoir désigné la boisson qui tue le souvenir des choses[1]. Les Scandinaves avaient leur « liqueur d’oubli. » Une pointe de mélancolie vient déjà se mêler à ces recherchés sur l’enfance de notre race. Le dernier savant que nous venons de nommer a montré combien l’idée mythologique d’un breuvage d’immortalité, d’une « eau-de-vie, » l’amrita des Hindous, tient de place dans les conceptions religieuses des anciens peuples aryens. Quel dommage qu’elle n’y soit pas restée !

L’un des domaines les plus intéressans à parcourir dans ce genre de recherches est celui des mots ayant rapport à la famille. Je ne dirais pas que la constitution primordiale de la famille aryenne soit la cause de la supériorité dévolue à la race, car il serait plus juste de regarder cette constitution comme le signe d’une supériorité générique

  1. D’une racine qui se retrouve, entre autres, dans le latin nex, necare.