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langues de la famille aryenne pour qu’on ait le droit d’en affirmer l’existence aux temps antérieurs à la dispersion. Il ne faut pas trop s’inquiéter d’une disparition partielle. Quand un mot se trouve à la fois en irlandais, en slave, en zend et en sanscrit, l’absence du même mot des groupes gréco-latin et germanique ne saurait prévaloir contre une preuve qui en démontre l’emploi chez les ancêtres communs des Celtes, des Slaves, des Iraniens et des Indiens védiques.

Telle est donc la méthode à suivre pour reconstituer le peuple aryen primitif : rechercher par la comparaison des langues indoeuropéennes les mots et surtout les racines communes aux diverses branches de la famille ; on obtient par là une preuve évidente de l’existence, au temps de l’unité encore indivise de cette famille, de la chose ou du sentiment désigné par cette racine, et l’induction permet alors de tirer d’un tel ensemble de faits positifs les conséquences les plus curieuses relativement à la situation matérielle, politique et morale de nos ancêtres d’il y a cinq mille ans. Est-ce à dire que ce curieux champ d’exploration soit pour jamais à l’abri des écarts d’imagination ? Un tel résultat serait trop beau, et le fait est qu’avec de la complaisance pour ses propres conjectures on peut encore sacrifier bien souvent à l’hypothèse hasardée. Cependant, parce qu’on se noie encore en naviguant, il ne faut pas renoncer à la navigation, et les résultats positifs, toujours plus solidement confirmés, déjà obtenus par l’application sévère des principes de l’étymologie scientifique, nous autorisent à prédire que cette branche de connaissances ira, comme toutes les autres, s’affermissant et s’enrichissant de plus en plus.


II

Quels sont maintenant, parmi les résultats qui méritent confiance, les plus intéressans qu’on ait acquis au sujet du peuple mystérieux de l’antique Aryane ? En premier lieu, que signifie ce nom d’Aryas que l’on donne à ce peuple antérieurement à sa séparation en plusieurs branches ? On ne peut pas douter qu’il se le soit donné à lui-même. C’est ainsi que s’appelaient les deux branches méridionales, les Hindous védiques et la branche iranienne. C’est le nom qu’emporta la migration celtique pour le garder jusqu’à nos jours. Peut-être même l’Arménie, l’Asie, les Ases Scandinaves, peut-être l’Arminius germanique (Ehrman, Aryaman) et l’Ariadne grecque (la terre hautement sainte) sont-ils autant de traces disséminées du même nom qu’Hérodote trouva encore en vigueur dans les contrées que nous avons désignées comme le point de départ de toute la race. Grâce au sanscrit, nous savons ce que ce mot veut