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tranquillité publique, qu’ils étaient chargés de maintenir. Curion, le chef de cette jeunesse ralliée au gouvernement nouveau, mourut trop vite pour avoir eu le temps d’être mécontent ; mais à la façon légère et dégagée dont il parlait déjà, de César dans ses conversations intimes, au peu d’illusion qu’il semblait avoir sur lui, on peut conjecturer qu’il aurait fait comme les autres.

Il est facile maintenant de comprendre quelles raisons avait Cælius de se plaindre, et comment cette ambition, que les dignités de l’ancienne république n’avaient pas contentée, finit par se trouver mal à l’aise dans le régime nouveau. On s’explique alors la lettre étrange qu’il avait écrite à Cicéron, et cette déclaration de guerre qu’il faisait à César et à son parti. Le mécontentement s’était glissé chez lui de bonne heure. Dès le début de la guerre civile, quand on le félicitait des succès des siens, il répondait tristement : « Que me fait cette gloire, qui n’arrive pas jusqu’à moi ? » C’est qu’il commençait à comprendre que dans le nouveau gouvernement il n’y avait plus de place que pour un homme, et qu’à lui seul allait appartenir désormais, la gloire comme le pouvoir. César l’emmena avec lui dans son expédition d’Espagne, sans lui donner, parait-il, l’occasion de s’y distinguer. De retour à Rome, il fut nommé préteur, mais il n’eut pas la prétoire urbaine, qui était la plus honorable, et Trebonius lui fut préféré. Cette préférence, qu’il regarda comme un outrage, lui causa un violent dépit. Il résolut de s’en venger, et n’attendit qu’une occasion. Elle lui sembla venue quand il vit César partir avec toutes ses troupes pour la Thessalie à la poursuite de Pompée. Il crut qu’en l’absence du dictateur et de ses soldats, au milieu des émotions de l’Italie, dans laquelle circulaient mille bruits contradictoires sur les résultats de la lutte, il pourrait tenter un coup décisif. Le moment était bien choisi ; mais ce qui l’était mieux encore, c’était la question même sur laquelle Cælius résolut d’engager le combat. Rien ne fait plus d’honneur à son habileté politique que d’avoir discerné si nettement les côtés faibles du parti victorieux, et d’avoir vu d’un coup d’œil la meilleure position qu’on pouvait prendre pour l’attaquer avec succès.

Quoique César fût maître de Rome et de l’Italie, et qu’on prévît que l’armée républicaine ne l’arrêterait pas, il lui restait encore de grandes difficultés à surmonter. Cælius le savait bien ; il n’ignorait pas que dans les luttes politiques le succès est souvent une épreuve pleine de dangers. Après que l’ennemi est vaincu, on a les siens à maintenir, ce qui donné quelquefois plus de peine. Il faut résister à des convoitises qu’on a tolérées : jusque-là, ou même qu’on a paru encourager, quand le moment de les satisfaire semblait éloigné ; il faut surtout se défendre contre les espérances exagérées que la victoire