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va désormais ? Strictement l’abbé Julio est dans des conditions régulières, il est couvert par l’exeat que lui a donné son évêque ; moralement il est dans une situation où tout est péril, où tout peut devenir tentation pour lui. Il est connu pour ses idées, pour son talent, pour son procès contre les jésuites, pour ses aventures romanesques. Pour les uns, c’est un prêtre à l’esprit généreux et libre, injustement persécuté ; pour les autres, c’est un révolté, un ennemi de l’église, la moitié d’un maudit. Par le fait, l’abbé Julio de La Clavière est sur cette frontière indécise de la vie ecclésiastique au-delà de laquelle le prêtre déclassé et le plus souvent dégradé va se perdre dans ce monde indéfini que l’auteur appelle pittoresquement la bohème sacerdotale, qui afflue à Paris, et qui n’est pas, je crois, des plus faciles à gouverner. C’est ce monde où passent tour a tour « tous les prêtres porteurs de faux papiers, de recommandations d’évêques fabriquées, tous les bandits qui ont couru vingt diocèses, trompé vingt évêques et gâté cent paroisses… »

Dans ce monde vague, ceux qui ne sont pas entièrement perdus ont une ressource : ils peuvent arriver à être diacres d’office dans une paroisse, c’est-à-dire à figurer à côté du curé dans les solennités religieuses, à la messe d’une heure le dimanche. Il peut y avoir sans doute dans cette foule de braves gens maladroits et inquiets ; il y a de pauvres prêtres exilés pour leurs opinions politiques, des étrangers compromis dans les luttes de leurs pays, et je ne sais à quel titre l’auteur cite « un savant de premier ordre dont le nom est européen, qui a quitté les jésuites il y a déjà quelques années et est aujourd’hui diacre d’office dans une des paroisses de Paris ; » mais un peu plus loin, dans les vraies régions de la bohème sacerdotale, il y a, il faut en convenir, de terribles types, et un des plus curieux assurément, que je vous recommande, est un certain Loubaire, justement cet abbé séducteur que le curé de Saint-Aventin a sauvé un jour au moment où il enlevait une jeune fille, et qui depuis s’est constitué le protecteur de Julio à l’insu de celui-ci. C’est Loubaire qui, allant jusqu’au crime dans une scène tout simplement révoltante, menace l’archevêque de T. de l’assassiner, s’il frappe Julio ; c’est Loubaire qui va jusqu’à Rome tirer Julio des prisons du saint-office. Avec quelques instincts généreux, ce Loubaire est un joli sacripant ; un Pyrénéen vigoureux, aux passions violentes, qui ne recule devant rien. Il a été chassé du diocèse de T., chassé de Chambéry, et il n’a plus d’autre ressource que de venir à Paris se faire ouvrier chez un autre personnage non moins curieux, l’abbé Lavialle, devenu vicaire-général d’Honolulu, qui a ouvert, boulevard Pigale, des ateliers d’imprimerie où il fait faire sa besogne à prix réduit par de pauvres prêtres interdits mourant