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LES
FINANCES DE LA RUSSIE

« La Russie est calme, majestueuse et puissante. L’Europe nous regardait à travers un nuage trompeur, et n’apercevait pas ce que nous sommes réellement. Nous avons soufflé sur ce nuage qui obscurcissait notre grandeur, et il s’est évanoui. » Faut-il juger de la situation de la Russie par ces fières paroles du prince Gortchakof[1], ou ne vaut-il pas mieux s’en rapporter à quelques documens officiels qui sont loin de justifier un tel langage ? L’étude des faits, appuyée sur les documens mêmes publiés par le gouvernement russe, servira sans grande peine, nous l’espérons, à résoudre la question, et la réponse sera d’autant plus significative que nous ne compliquerons cette étude d’aucune préoccupation étrangère au sujet. Interroger l’empire russe sur ce qu’il produit et sur ce qu’il dépense, rechercher les conditions du crédit dont il peut user, recueillir les témoignages et les contrôler par les faits, tel sera notre principal but.

Le prince Gortchakof prétend avoir dissipé le nuage trompeur qui voilait les ressources de la Russie ; mais l’incontestable habileté de la diplomatie russe n’a-t-elle point servi au contraire à déguiser avec plus d’art les difficultés de toute nature contre lesquelles l’empire des tsars est condamné à lutter ? Le jour commence à se faire sur des questions que l’absence d’une publicité suffisante dérobait aux regards de l’Europe. On peut mieux connaître les forces productives et les forces militaires, les recettes et les dépenses du trésor, on est à même de se rendre compte de l’état au vrai des finances de la Russie. Une investigation calme, qui conduit à un tableau

  1. Discours prononcé au club anglais de Saint-Pétersbourg le 22 décembre 1863.