Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

décision le chancelier Boucherat, portait que, les principaux auteurs des crimes dont la connaissance avait été attribuée aux commissaires de la chambre ayant été punis, il avait jugé nécessaire de la dissoudre, tout en pourvoyant à la sûreté du public. Le préambule d’une ordonnance rendue à cette époque (juillet 1682) reconnut en effet qu’un grand nombre de magiciens et enchanteurs venus en France des pays étrangers avaient fait beaucoup de dupes et de victimes, en exploitant les vaines curiosités et les superstitions, et en mêlant aux impiétés et sacrilèges les maléfices et le poison. Pour remédier au mal, Louis XIV enjoignait aux devins et devineresses de quitter immédiatement le royaume, et prononçait la peine de mort contre quiconque dirait de ces messes sacrilèges et abominables qui avaient été l’un des plus grands scandales du procès qu’on venait de juger. L’article 6 de l’ordonnance constatait les incertitudes de la justice au sujet de l’action de certains poisons mystérieux. « Seront réputés au nombre des poisons, y était-il dit, non-seulement ceux qui peuvent causer une mort prompte et violente, mais aussi ceux qui, en altérant peu à peu la santé, causent des maladies, soit que lesdits poisons soient simples, naturels, ou composés et faits de main d’artiste… » Un autre article réglait la vente de l’arsenic, du réalgar, de l’orpiment et du sublimé. Le dernier article enfin, trahissant une des principales préoccupations de La Reynie, défendait d’employer comme médicamens les insectes venimeux, tels que serpens, crapauds, vipères et autres, à moins d’une autorisation spéciale. Suggérée par certaines circonstances de l’affaire, cette injonction confirme les allégations si souvent répétées relativement à ces poudres pour l’amour destinées au roi par Mme de Montespan, et qui pouvaient donner la mort.

Ainsi, et c’est ce qui fait aujourd’hui l’intérêt historique de ce procès, les gens les plus vils s’étaient attaqués à la favorite impérieuse devant laquelle les ministres et les courtisans le plus en faveur ne passaient pas impunément, et les noms des étoiles de la terre avaient été mêlés aux accusations les plus infâmes. Nous avons dit qu’elles restèrent un mystère pour les contemporains, et l’on voit par les lettres de Mme de Sévigné, si bien au courant d’ordinaire des choses de la cour, qu’elle ignora jusqu’où les soupçons d’empoisonnement s’étaient élevés. Aussi, faute de ce fil conducteur, fut-elle parfois exposée à ne pas comprendre le mobile de quelques événemens dont il nous reste à parler, et qui se passèrent dans ce monde de Versailles où elle aurait été si heureuse de figurer aux premiers rangs.