Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la sellette devant la chambre de l’Arsenal, et l’on se demande à qui cette éloquence de rhéteur était destinée. Évidemment Duplessis était fondé à soutenir que sa noble cliente n’avait jamais eu, quelles que fussent les allégations de la fille Voisin, la pensée d’empoisonner le roi. Cela dit, il est constant que, pendant plusieurs mois, Louis XIV crut, tant les dépositions étaient circonstanciées et concordantes, qu’elle lui avait fait prendre ces poudres pour l’amour que les médecins déclaraient de véritables poisons. Relativement à l’accusation d’avoir attenté aux jours de Mme de Fontanges, on a pu voir quels soupçons subsistaient encore dans l’esprit du roi, quand, au mois de juin 1681, la brillante idole de la veille succombait à son mal. Ainsi, pour connaître Mme de Montespan jusqu’au fond de l’âme, suivant l’expression de l’avocat Duplessis, Louis XIV n’avait pas en elle une confiance illimitée ; mais il en avait eu huit enfans, dont cinq légitimés en parlement, et, eût-elle été réellement coupable de tous les faits qui lui étaient imputés, il n’aurait jamais consenti qu’elle fût poursuivie. Dans un autre mémoire, car il y en a plusieurs destinés à défendre la maîtresse du roi, Duplessis semble faire une concession. « Y aurait-il eu, dit-il, des personnages réels qui auroient usurpé le nom de Mme de Montespan pour mieux couvrir leur jeu et pour faire faire l’ouvrage magique à leur profit sous le nom d’un autre ? faut-il qu’elle souffre de ce que l’on se seroit servi de son nom dans ces actes de ténèbres qui ne pouvoient jamais venir à sa connoissance ? » Mais cet argument porte à faux ; ceux en effet qui faisaient dire des messes sacrilèges croyaient apparemment à l’efficacité de ces pratiques étranges, et elles n’en eussent eu aucune à leurs yeux, si on les avait dites à l’intention de personnes autres que celles qui devaient en profiter. Dans le même mémoire, Duplessis examine les charges articulées contre la duchesse de Vivonne, principalement incriminée d’avoir demandé le rétablissement de Fouquet et la mort de Colbert. Ainsi, par un retour de fortune bien singulier, l’homme qui avait jadis poussé, renversé, précipité dans l’abîme le fastueux surintendant, prenait la défense de celle qui aurait voulu le ramener sur la scène et le réhabiliter. Après avoir développé, en arguant surtout de l’indignité des dénonciateurs, les motifs pour lesquels l’accusation contre Mme de Vivonne ne lui paraissait mériter nulle confiance, Duplessis ajoutait : « Quand on verroit des souhaits et des vœux aussi extravagans, seroit-ce matière à une poursuite criminelle ? Punit-on toutes les aversions injustes, et ne sont-ce pas des choses que l’on renvoie au tribunal secret ? » Rien de plus sensé, et il est bien à regretter que les sacrilèges aient joué un aussi grand rôle dans les arrêts de la chambre. Des motifs d’indignité étaient