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principales contre Mme de Montespan, dépositions qu’il qualifie d’exécrables calomnies, Duplessis fait remarquer que c’étaient là de simples allégations n’ayant d’autre but que d’égarer la justice ; que, si Mme de Montespan s’était réellement compromise par des pratiques infâmes avec la Voisin, celle-ci n’eût pas hésité à l’avouer quand, sur le point de paraître devant Dieu, elle n’avait plus à penser qu’à son salut ; que les dénonciations de la fille Voisin après la mort de sa mère étaient démenties par plusieurs témoins ; qu’en admettant qu’elle eût dit vrai, ce commerce entre Mme de Montespan et la femme Voisin aurait duré de cinq à six ans, pendant lesquels celle-ci aurait fait de fréquens voyages à Clagny et reçu de nombreuses visites de la demoiselle Désœillets. « Or, disait l’avocat Duplessis, si Mme de Montespan eût été capable d’entreprendre l’exécrable dessein d’empoisonner le roi, pourquoi la Voisin et la Trianon se seroient-elles trouvées en peine d’approcher de sa personne pour lui faire prendre un placet empoisonné de poudres ou pour en jeter dans sa poche ? Comment auroient-elles été en peine de trouver quelqu’un qui leur donnât entrée à la cour et qui fît placer la Voisin ? » Le passage du mémoire de Duplessis relatif à cette assertion de la fille Voisin que, pendant cinq ou six ans, toutes les fois que Mme de Montespan craignait quelque diminution dans les bonnes grâces du roi, elle aurait eu recours aux poudres magiques, fournit à l’avocat l’occasion de préciser à sa manière la situation intime de Mme de Montespan vis-à-vis de Louis XIV dans les années qui précédèrent le procès. « Ce temps de cinq à six années, dit-il, remonteroit à 1673, car la Voisin a été arrêtée en 1679. Or sa majesté sait que les petites inquiétudes de jalousie que l’affection peut avoir produites dans l’esprit de Mme de Montespan n’ont commencé qu’en 1678, et dans quelle tranquillité d’esprit elle a vécu, tant en 1677 qu’auparavant. Et depuis elle sait l’assiduité, l’attache, l’affection que cette dame avoit pour sa personne, l’assurance et la quiétude d’esprit qu’elle a eues dans tous les temps, et que les jalousies qu’elle a eues depuis 1678 n’ont été que des momens d’affliction qui ne l’ont pas tirée de cette affection et de cette attache. Quoi ! concevoir le dessein d’empoisonner son maître, son bienfaiteur, son roi, une personne que l’on aime plus que sa vie ! Savoir qu’on perdra tout en le perdant et se porter à l’exécution, de cette furieuse entreprise ! Et cependant, dans cette affreuse pensée, conserver toute la tranquillité d’âme de l’innocence la plus pure ! Ce sont des choses qui ne se conçoivent pas, et sa majesté, qui connoît Mine de Montespan jusqu’au fond de l’âme, ne se persuadera jamais qu’elle ait été capable de ces abominations. »

On croit voir, en lisant ce solennel plaidoyer, Mme de Montespan