Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et c’était la marquise de Montespan, sa belle-sœur, qui avait fait le mariage. Le duc de Saint-Simon a tracé de Mme de Vivonne ce joli croquis : « Elle avoit été de tous les particuliers du roi, qui ne pouvoit s’en passer ; mais il s’en falloit bien qu’il l’eût tant ni quand il vouloit. Elle étoit haute, libre, capricieuse, ne se soucioit de faveur ni de privance, et ne vouloit que son amusement. Mme de Montespan et Mme de Thianges la ménageoient, et elle les ménageoit fort peu. C’étoit souvent entre elles des disputes et des scènes excellentes… » On comprend maintenant que Louis XIV ait hésité à faire arrêter Mme de Vivonne, et que Colbert ait tenté l’impossible pour épargner cette humiliation à la mère et à la tante du duc de Mortemart.

La correspondance de Louvois ne mentionne pas une fois Mme de Montespan ; mais il y eut de tout temps, même dans les correspondances les plus secrètes, des sujets réservés et des sous-entendus. Les papiers de La Reynie et de Colbert remplissent d’ailleurs amplement cette lacune, et l’on peut suivre jour par jour, dans les premiers, la trace des préventions et des incertitudes du roi au sujet des accusations dirigées contre la favorite. Nous supprimons le détail de celles que leur monstruosité aurait dû, ce semble, faire écarter de prime abord. Comment croire en effet que Mme de Montespan eût joué un rôle actif dans ces messes impies que les Lesage et les Guibourg prétendaient avoir dites pour elle, à minuit, dans d’ignobles bouges ? Mais, si le désir de compromettre des personnes de haut rang pour s’abriter derrière elles inspira quelques-uns des accusés, il est constant que cette femme de chambre de Mme de Montespan dont nous avons parlé, la demoiselle Désœillets, avait été en commerce avec la Voisin, morte cependant sans l’avoir avoué. On sait en outre, par les procédures, que la demoiselle Désœillets fut confrontée avec la fille Voisin. Or les nombreux papiers que l’on possède encore sur l’affaire ne parlent pas de son interrogatoire, et tandis que les notes de La Reynie constatent ce qu’on fit de tous les accusés et à quelles peines ils furent condamnés, rien n’apprend le parti qui fut pris à son égard, ni ce qu’elle devint. « La dénégation que la Voisin a faite jusqu’à la mort de la connoissance de Mlle Désœillets, dit celui-ci dans un mémoire au roi, doit être d’autant plus suspecte qu’elle a été opiniâtrement soutenue, parce qu’il est prouvé à présent qu’elles étoient en commerce. Si Mlle Désœillets