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de la lettre les recommandations du roi, ne recherchait qu’une chose, la vérité. Ainsi l’abbé Guibourg déclara avoir dit, à l’intention de Mme de Montespan, sur le corps d’une femme nue (et cette circonstance abominable était la moins odieuse de celles qu’il avouait), des messes où, après l’immolation d’un jeune enfant dont le sang était soigneusement recueilli, il avait passé sous le calice l’écrit qu’on va lire : « Je demande l’amitié du roi et celle de Mgr le dauphin, qu’elle me soit continuée, que la reine soit stérile, que le roi quitte son lit et sa table pour moi, que j’obtienne de lui tout ce que je lui demanderai pour moi, mes parens ; que mes serviteurs et domestiques lui soient agréables. Chérie et respectée des grands seigneurs, que je puisse être appelée aux conseils du roi et savoir ce qui s’y passe, et que, cette amitié redoublant plus que par le passé, le roi quitte et ne regarde La Vallière, et que, la reine étant répudiée, je puisse épouser le roi[1]. » De son côté, l’abbé Lesage déclara, dans un interrogatoire du 16 novembre 1680, avoir vu chez la Voisin la demoiselle Désœillets avec un étranger. Leur projet était d’empoisonner le roi, afin de partager une grosse somme d’argent, que l’étranger leur avait promise, et de quitter la France. Lesage ajouta que, fût-il dans les derniers tourmens, il ne saurait dire autre chose, sinon qu’en 1675, au commencement de l’été, Mme de Montespan cherchant à se maintenir, la Voisin et la Désœillets travaillaient ou faisaient semblant de travailler pour elle ; mais en réalité, impuissantes à lui conserver par leurs vains sortilèges l’amour du roi, elles l’exploitaient en lui donnant tout simplement des poudres qui, prises à de certaines doses, auraient constitué un véritable poison. A cette fin, des mélanges contenant de l’arsenic et du sublimé auraient été remis à la Désœillets, et un nommé Vautier, qui était artiste en poisons, en aurait fabriqué d’autres avec du tabac. Les faits énoncés par l’abbé Guibourg confirmèrent les dépositions précédentes, qui avaient d’autant plus de gravité que, sur un point important, les relations entre la Désœillets et la Voisin, celle-ci avait toujours nié formellement qu’elles se fussent connues. Il était donc avéré qu’à cet égard la femme Voisin avait menti.

Les révélations de la femme Filastre pendant la torture furent encore plus compromettantes. Cette femme, digne émule et rivale de la Voisin, faisait un véritable commerce de poisons, et fut convaincue d’avoir, au milieu de sortilèges et d’iniquités exécrables, sacrifié un de ses enfans pour en avoir le sang. Un témoin prétendit avoir vu un écrit par lequel elle faisait un pacte avec le diable pour faire obtenir tout ce qu’elle voudrait aux personnes de qualité ; que la

  1. Ms. de la bibliothèque du corps législatif, p. 15.