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ordinaire des fermes a lieu pour six ou neuf ans, mais avec des conditions spéciales qui méritent d’être notées. L’entrée en jouissance a lieu au mois de mars ; le fermier qui entre a droit à la moitié de la récolte sur pied, et le fermier dont le bail finit à l’autre moitié. Celui-ci conserve donc, même durant la dernière année de ce bail, un certain intérêt à obtenir de bonnes récoltes, et le fermier entrant a l’avantage de se trouver en possession d’une quantité de produits suffisante pour se nourrir lui et son cheptel, sans devoir faire immédiatement les avances de toute une année. Le prix pour l’hectare de location varie de 60 à 100 francs, et le prix de vente de 4,000 à 6,000 francs. C’est déjà un chiffre satisfaisant ; malheureusement le salaire de l’ouvrier agricole ne monte guère à plus d’un franc par jour. — J’ai encore remarqué dans ce canton une autre coutume qui m’a paru très judicieuse. Comme les arbres poussent parfaitement dans ce sol riche et profond, on en plante beaucoup, et il s’ensuit que le pays n’a pas cet aspect triste et uniforme habituel aux bonnes terres à froment. Or les communes tirent du droit de plantation un revenu assez considérable. Le long des chemins vicinaux, partout où la commune a un bout de terrain, elle accorde aux particuliers le droit de planter des arbres marqués de leur chiffre, moyennant une rétribution annuelle qui va en augmentant avec l’âge de l’arbre. Le moindre coin de terre est ainsi utilisé. Les plantations sont bien faites, car c’est l’intérêt privé qui s’en charge, et on ne voit point ici ces espaces vagues et improductifs qui sont ailleurs comme une enseigne d’incurie et d’imprévoyance. En résumé, la partie méridionale du Limbourg assise sur le löss est une belle région agricole, et forme le plus complet contraste avec la partie occidentale de la même province, qui est le canton le moins habité, le plus pauvre, le plus isolé de tout le royaume.

Considérée dans son ensemble, la région sablonneuse des Pays-Bas ne nous a pas offert une culture très avancée ; elle est remarquable plutôt par les anciennes coutumes auxquelles elle est restée fidèle et par les restes de l’organisation rurale de la Germanie primitive, qu’elle a en partie conservée. Déjà cependant, malgré la stérilité naturelle du sol, le progrès agricole s’introduit dans ces districts si longtemps isolés, et les cultivateurs qui voudront améliorer leurs procédés et augmenter leurs produits auront ce grand avantage, qu’ils ne devront pas chercher des modèles à l’étranger : ils en trouveront tout près d’eux, dans ces belles colonies des tourbières de la Groningue, qui pour l’assolement, l’emploi judicieux des engrais et les façons données à la terre, leur indiquent les meilleurs exemples à suivre.


EMILE DE LAVELEYE.