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aux soins bien entendus de cette excellente culture, et sur ce sol étrange, formé complètement par la main de l’homme, ils égalent ceux des meilleures terres argileuses[1].

Les 16,000 hectares de terrain productif que comprennent les six ween-kolonien nous offrent donc un des plus curieux exemples de ce que peut l’industrie agricole quand elle est conduite avec intelligence, et qu’elle apprend à tirer parti des propriétés particulières du sol qu’elle met en valeur. L’histoire de la création de ces colonies est sans contredit une des plus belles pages des annales de l’économie rurale de la Néerlande, une de celles dont elle peut s’enorgueillir ajuste titre. De nos jours, l’œuvre de la colonisation se poursuit. La ville de Groningue, à qui appartiennent encore d’immenses espaces de hautes tourbières, y a hardiment creusé un canal qui s’étend jusqu’à Ter-Apel, aux frontières de l’Allemagne. Déjà une nouvelle commune s’y est formée, Stadskanaal, qui promet de marcher sur la trace de ses aînées. La ville de Groningue continue d’appliquer à ces défrichemens le régime du beklem-regt (bail héréditaire), et elle n’a qu’à s’en féliciter, car les colons apportent au travail toute l’activité, toute la prévoyance que donne seul le sentiment de la propriété, et pourtant elle ne perd pas complètement les avantages du domaine éminent. Son revenu augmente sans cesse, et il lui est payé, non par des fermiers qu’inquiète le retour fréquent de locations publiques, mais par des cultivateurs satisfaits et assurés de l’avenir.

La région sablonneuse nous présente encore un autre exemple de culture alterne, avec achat d’engrais et parfois avec semailles en ligne dans les colonies de bienfaisance et de répression, à Frederiksoord, à Veenhuyzen et à Ommerschans ; seulement cette culture est pratiquée dans des conditions tout autres que dans les belles communes de Groningue. C’est un général de l’armée néerlandaise, le comte van den Bosch, qui conçut, il y a plus de quarante ans, l’idée de fonder des colonies agricoles pour donner du travail aux hommes valides qui en manquaient. Le projet semblait parfaitement conçu, il fut accueilli avec enthousiasme. La Société de bienfaisance (Maats-chappy van Weldadigheid) fut fondée. Les membres de la famille royale lui accordèrent leur patronage et des sommes considérables. Les souscriptions affluèrent : au bout de peu de temps, on en compta vingt et un mille ; c’était un admirable élan de charité chrétienne, comme on en voit si fréquemment dans la Néerlande non moins qu’en Angleterre. Le général van den Bosch veilla

  1. Les produits s’élèvent par hectare pour le froment à 25 hectolitres, pour le seigle à 27, pour l’orge à 38, pour le colza à 28, pour les féveroles à 26, chiffres tout à fait exceptionnels ailleurs.