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formé, et on l’avait appelé Hoenderlo. Plus tard, il s’était agi de mieux pourvoir aux deux grands besoins de la commune naissante, c’est-à-dire d’avoir une école et un puits. Les ressources manquant tout à fait à ce pauvre village, on vint à son secours. Une souscription fut ouverte, et on se mit à l’œuvre. La modeste école put bientôt s’ouvrir ; mais le puits, qu’il fallait forer dans le sable à une profondeur inattendue, rencontra de grands obstacles. Un pasteur protestant, M. O. Heldring, a raconté l’histoire touchante de ce puits, et les péripéties du creusement forment tout un petit drame qui émeut, car on sent avec quelle anxiété ces pauvres gens suivaient les progrès d’un travail d’où dépendait leur bien-être. Enfin on eut de l’eau, et depuis lors Hoenderlo est devenu un hameau qui a l’honneur de figurer sur toutes les cartes.

On nous pardonnera sans doute ces détails, car ce seul exemple suffit pour montrer comment on a partout conquis à la culture la plus grande partie de la stérile bruyère. Visitez dans tout le royaume néerlandais les districts incultes de la région sablonneuse, et dans la Drenthe, dans le Westerwolde, dans l’Over-Yssel, dans le comté de Zutphen, dans la Veluwe, vous rencontrerez les trois étapes qu’a parcourues successivement le fondateur d’Hoenderlo : les premiers pionniers, les plus pauvres, l’avant-garde du travail et de la civilisation, dans leurs tanières sous le sol, puis les seconds, déjà un peu mieux pourvus dans leurs huttes de plaggen, qui représentent la condition moyenne, enfin les arrivés, les riches, ceux qui ont occupé autrefois les avant-postes, et qui maintenant forment l’aristocratie de la lande, parce qu’ils ont une maisonnette avec des carreaux de vitres et une étable avec des vaches. Cette maisonnette est charmante de propreté, elle est bien blanche et bien peinte ; une haie d’aubépine ou de sureaux et quelques fleurs aux vives couleurs égaient la façade ; derrière s’étendent un petit potager et un pré planté d’arbres fruitiers. Parfois le pignon est surmonté d’une tête de cheval pour chasser la nacktmerrie, la jument de nuit, le cauchemar qui fait périr le bétail. La maison ne contient qu’une seule chambre, et l’unique porte d’entrée est celle de l’étable ; mais cette étable est très bien tenue : de petits rideaux de coton rouge ou bleu pendent aux fenêtres, et l’été, quand le bétail ne rentre pas, la famille s’y réunit. Dans la Veluwe comme dans toutes les contrées où le sol est peu fertile, où il y a encore des espaces inoccupés, il n’y a guère de paysans riches ; mais aussi il n’y a point d’indigens. Un mot que vous entendez souvent répéter là-bas résume admirablement la condition de ces populations rurales : nous n’avons ni noble ni mendiant, wy hebben geen edel nog bedel man. Donnez à l’homme la sécurité, la liberté et l’espoir de la propriété, ces trois énergiques stimulans du travail, et il convertira en un jardin