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mouton, on obtient ainsi un amendement qui renouvelle constamment les principes indispensables à la production du grain, et qui assure de bonnes récoltes. Malgré les vices d’un assolement aussi épuisant, le produit du seigle s’élève à 22 hectolitres par hectare, et celui du sarrasin à 20. En 1858, la Drenthe possédait 62,000 têtes de bêtes à cornes ou environ 65 par 100 hectares de terre travaillée et 113,800 moutons ou 150 par 100 hectares cultivés. Il y a là sans doute de quoi fumer convenablement la terre labourée ; mais ces animaux sont petits, rapportent peu de profit, et vivent une partie de l’année sur le terrain vague. On élève aussi beaucoup de poulains qu’on vend très jeunes encore à la Frise et à la Groningue, où ils peuvent acquérir, sur de bonnes prairies, un développement que leur refuseraient les maigres pâturages de la région sablonneuse. D’après ce qui précède, on voit que toute la culture repose sur l’emploi des plaggen ou mottes de bruyère, et la quantité qu’on en transporte sur le champ labouré est si considérable que cette addition de terreau, renouvelée chaque année depuis peut-être deux mille ans, a fini par élever les esschen de plusieurs mètres au-dessus de la plaine environnante. Sans les plaggen, les cultivateurs de toute la région sablonneuse déclarent impossible l’exploitation de leur maigre terre, et elle le sera en effet aussi longtemps qu’ils continueront à suivre la méthode actuelle ; mais il en serait tout autrement, s’ils se décidaient à introduire peu à peu la culture alterne de la Flandre combinée avec la stabulation permanente, car grâce à ce système le paysan du pays de Waes met en valeur des terrains aussi rebelles que ceux de la Drenthe. comme le succès de la culture dépendait surtout de l’étendue de bruyère que chaque copropriétaire de la marke avait à sa disposition, l’intérêt de tous était de ne pas voir augmenter la population. Aussi le pouvoir exécutif (le markenrigter) veillait-il à éloigner tous ceux qui seraient venus s’établir sur les terrains vagues pour les mettre en culture. On n’admettait que les travailleurs (les kotlers) dont on avait absolument besoin, et encore ne leur accordait-on pas le droit de mettre leurs bêtes sur la lande, mais seulement celui d’y couper trois charretées de plaggen. Telle est la cause qui a fait si longtemps de la Drenthe un désert. Sur 266,000 hectares en 1832, 23,000 seulement étaient labourés ; mais depuis qu’on a commencé à diviser les marches, c’est-à-dire depuis cinquante ans, la population s’est rapidement accrue : de 1796 à 1850, elle a augmenté de 131 pour 100, tandis que l’augmentation moyenne pour le royaume n’a été que de 42 pour 100 pendant la même période. La mise en valeur des terres vagues au moyen de ces cultures est nécessairement très lente ; mais la plantation du pin sylvestre permettra des conquêtes plus