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c’est-à-dire le paysan. Ils se réunissent en assemblée plénière (hagespraak), en plein air sous de grands chênes séculaires, ou bien dans une espèce d’amphithéâtre en gazon, au centre duquel subsiste encore parfois l’antique pierre des sacrifices. Le cultivateur qui entretient le taureau communal conserve aussi le cor ou plutôt la corne qui appelle les habitans à l’assemblée, et qui donne le signal des divers travaux à exécuter dans les champs. Lorsque tous les intéressés sont réunis, on délibère et on fixe l’époque des labours, des semailles et des moissons. C’est aussi l’assemblée qui choisit les quatre volmagten chargés du pouvoir exécutif, avec cette réserve toute démocratique cependant que les kolters, c’est-à-dire les simples ouvriers habitant une cabane, les cottiers anglais, en nomment deux, et que les boeren, les cultivateurs ayant des chevaux, nomment les deux autres. Quand vient le jour fixé pour la moisson, la corne sonne dès l’aube, et chacun se met au travail ; mais le soir, après le signal de la retraite, il est défendu sous peine d’amende de continuer de couper le grain. Les gerbes faites, chacun est tenu de les disposer par huit en kokken, afin de les faire sécher et de les préserver le plus possible de la pluie. Le jour de la rentrée de la moisson est aussi arrêté après délibération en commun : de joyeux repas et de copieuses libations célèbrent cette heureuse journée, qui assure aux cultivateurs la récompense de leurs rudes travaux.

La terre alors est livrée tout entière à la vaine pâture : on y mène d’abord les vaches, puis les moutons, après quoi on retourne légèrement la superficie du sol, qui se couvre aussitôt d’oseille sauvage (rumex acelosella), que les Hollandais appellent avec raison schap surkel, car cette plante est une excellente nourriture pour le mouton, qui s’en montre très avide. Quand on voit pour la première fois les esschen de la Drenthe tout rougis de la masse innombrable de ces fleurs microscopiques, on ne sait à quoi attribuer cette teinte singulière, car on ne s’attend pas à voir cultiver à dessein une mauvaise herbe considérée partout ailleurs comme un fléau. La nuit, les moutons sont parqués sur les champs, et on croit en Hollande pouvoir démontrer que c’est ici qu’est née cette pratique dont l’agriculture anglaise a su tirer un si grand parti. Chaque cultivateur doit fournir des clôtures à proportion des moutons qu’il possède. Le droit de vaine pâture sur les chaumes s’appelle le klauwen gang : il est généralement en usage. Pour préserver Vessch de l’atteinte du bétail pendant que la moisson est encore sur pied, on l’entoure d’une sorte de mur en mottes de bruyères précédé d’un fossé, le essch-wal. Chacun est forcé de travailler à l’entretien de ce rempart le jour fixé par l’assemblée, et quiconque est en retard de plus