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REVUE DES DEUX MONDES.

Au fond, après comme avant cette discussion, la situation de l’Espagne, tout en paraissant pour le moment à l’abri d’une menace de trouble matériel, est assurément loin d’être claire ; elle se résume dans un mot, l’incohérence. Le ministère se trouve sans une force propre en présence de partis ou de fragmens de partis entre lesquels il n’y a ni lien, ni homogénéité, qui en sont encore à la période de dissolution commencée il y a déjà un certain nombre d’années. La vérité est effectivement qu’en Espagne aujourd’hui les anciens partis, y compris le parti progressiste absent du congrès, continuent à être en pleine désorganisation, et qu’on n’aperçoit bien distinctement aucun parti nouveau et vivace. Si l’on veut cependant s’élever au-dessus de ce tourbillon d’incidens personnels et chercher à travers l’obscurité quelque lumière pour l’avenir, il est un fait à remarquer : c’est que dans cette vaste et confuse décomposition des opinions, un travail singulier et profond s’opère au sein même du parti modéré. Il y a toute une portion plus jeune et énergique de ce parti qui tend à s’organiser et qui cherche sa force dans les idées libérales. On pourrait dire peut-être que c’est là aujourd’hui ce qu’il y a de plus sérieux en Espagne, que cette tendance fait chaque jour des progrès. On l’a vu l’an dernier : c’est un député modéré, M. Valera, qui demandait avec une vive et ingénieuse éloquence que l’Espagne reconnût enfin le nouveau royaume d’Italie et se désintéressât dans toutes ces questions où elle se fait un satellite d’absolutisme. On l’a vu plus récemment, dans la discussion de l’adresse au sein du congrès : lorsque, dans un discours qui visait à être un programme, M. Nocedal est venu promulguer assez pompeusement des théories d’immobilité et de résistance et enfermer dans ce moule étroit la politique du parti modéré, de ce qu’il a appelé le parti modéré historique, il n’a rallié à sa motion que treize voix. Voilà le bilan de l’absolutisme modéré ! Ne peut-on pas voir enfin un signe de l’influence croissante de ces idées dans la résolution qu’a prise le ministère de retirer un projet de réforme constitutionnelle qui pèse sur l’Espagne depuis nombre d’années et n’est qu’une cause d’embarras ? On ne peut dire assurément que ce parti et ces tendances dominent aujourd’hui en Espagne, qu’ils se dessinent même bien clairement et qu’ils doivent triompher sans difficulté ; mais enfin, au milieu d’une situation depuis longtemps indécise, c’est à ce rajeunissement du parti modéré par les idées libérales les plus larges et les plus justes qu’il faut souhaiter la fortune et l’avenir pour la dignité des opinions, pour la sécurité des ministères, pour le bien de l’Espagne, pour l’affermissement même de la dynastie en qui s’est personnifié le régime constitutionnel au-delà des Pyrénées.

Ch. de Mazade.

OUVERTURE DU COURS DE PŒSIE FRANCAISE A LA SORBONNE.

On ne s’étonnera pas qu’au moment où M. Saint-René Taillandier vient d’être appelé à suppléer M. Saint-Marc Girardin à la Sorbonne, nous le félicitions de l’entier succès des premières leçons. Sa nomination avait été