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REVUE. — CHRONIQUE.

sor serait une entrave pour la liberté d’action du gouvernement et l’empêcherait par exemple de voler au secours de la Pologne, s’il lui en prenait fantaisie. Que des députés aient cru que la faculté étendue ou limitée d’émettre des bons du trésor puisse donner au gouvernement le pouvoir d’agir, et encore plus dans une entreprise de guerre, en dehors des crédits votés par la chambre, c’est un quiproquo prodigieux, et qui montre à quel point la notion de la légalité financière s’est obscurcie de notre temps chez des esprits d’ailleurs cultivés. M. Émile Ollivier a relevé cette erreur en quelques paroles vives et brillantes, et qui ont laissé voir une sorte de conflit au sein de l’opposition sur la question de paix ou de guerre.

Au surplus les débats de l’adresse édifieront sans doute MM. Guéroult et Havin, en même temps que le public, sur les principes et les tendances de la politique étrangère du gouvernement. Quant à nous, nous sommes convaincus que si le gouvernement veut agir efficacement en faveur des causes malheureuses qui excitent et méritent la sympathie de la France, le temps est venu pour lui d’employer d’autres moyens que le dodelinage des notes diplomatiques et le verbiage des conférences et des congrès. On ne peut agir sans alliances contractées en vue de l’action. Que s’il est aujourd’hui impossible de former de telles alliances, la meilleure politique pour la France serait de se replier en quelque sorte sur elle-même, d’économiser ses ressources, de concentrer ses forces, et, pour employer le mot mis à la mode par le prince Gortchakof, de se recueillir. Nous devrions en conséquence remplacer promptement le système de dispersion, si ruineux pour nos finances, qui nous a fait aller en Cochinchine, au Mexique, à Rome, par un système de concentration qui nous ferait évacuer à la fois Rome, la Cochinchine et le Mexique. Grâce à ce système, nous économiserions 200 millions par an, toutes nos forces seraient à notre portée, et nous pourrions attendre avec une fermeté patiente et confiante les événemens dont la situation de l’Europe nous promet le spectacle. e. forcade.



Le cabinet et le congrès de Madrid

Il y a un pays qui n’assiste en quelque sorte que de loin au drame des événemens européens et qui n’y prend qu’une faible part, qui reste presque en dehors du mouvement universel par une conséquence de sa position autant que par suite des traditions d’une politique d’isolement : c’est l’Espagne. Pendant que mille questions s’agitent à la fois en Europe, pendant que la querelle du Danemark et de l’Allemagne se brouille étrangement, que la Pologne ne cesse de se débattre dans l’obscurité d’une lutte poignante, que l’Italie recommence à remuer, qu’un souffle menaçant s’élève de tous côtés, et que l’idée d’un congrès général se rapetisse aux proportions d’un congrès restreint, d’une conférence ministérielle qui risque fort de n’avoir pas une meilleure fortune, les cortès se réunissaient récemment