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REVUE. — CHRONIQUE.

temps animé d’une plus véritable intelligence des besoins de la démocratie libérale de la France que l’ingénieux avocat du percement des isthmes. L’œuvre de régénération des études philosophiques et libérales vaillamment tentée par M. Duruy devait naturellement, il fallait s’y attendre, encourir le déplaisir du banc des cardinaux. Tout ministre qui prendra à cœur la sécularisation de l’enseignement est destiné à susciter contre lui une opposition d’église, mais cette opposition, loin de le décourager, doit être considérée par lui comme le premier témoignage de son succès. Dans la politique extérieure, l’événement du débat a été le mâle et vert discours de M. Dupin sur la question polonaise. Nous ne partageons pas tout à fait l’opinion de M. Dupin ; mais il n’est pas nécessaire d’être de son avis pour admirer le miracle de cette parole dont l’âge n’a pu alourdir le mouvement et émousser la pointe. Il est clair d’ailleurs qu’une grande entreprise de politique étrangère peut difficilement supporter une discussion publique ; cette discussion, en effet, n’en saisit pas les données véritables, les moyens, les ressorts, qui appartiennent à une élaboration d’une tout autre nature. Puis, la portée des paroles de M. Dupin dépassait souvent la question polonaise. Lorsque par exemple il a rappelé d’une façon si plaisante la réponse du duc de Fezensac à son lieutenant pendant la campagne de Russie : « il me semble que nous vons trop loin, » M. Dupin avait beau parler Pologne, tout le monde a compris Mexique.

La discussion de l’emprunt au corps législatif ne mériterait guère d’être rappelée, si M. Thiers n’y avait pris part. Nous eussions désiré, pour notre compte, que cette occasion fût choisie par l’opposition pour examiner avec une certaine profondeur la politique financière du gouvernement. C’était le vrai terrain pratique d’un grand débat financier ; l’emprunt proposé était la conséquence d’un découvert qui s’était produit contrairement à toutes les espérances, à toutes les promesses qui s’étaient fondées, il y a deux ans, sur une expérience financière tentée avec éclat. La cause du nouveau découvert et de la déception qu’il nous apportait était là, flagrante. On venait de nous apprendre que les expéditions du Mexique et de la Cochinchine nous ont coûté 270 millions. Non-seulement cette liquidation, qui se traduit par un emprunt, invitait à juger le passé de cette coûteuse politique, il fallait encore y regarder de plus près dans l’intérêt de l’avenir. Tout le monde sait qu’à l’heure qu’il est l’entreprise du Mexique nous coûte environ 12 millions par mois. Allons-nous continuer longtemps une telle dépense ? allons-nous, en aveugles, nous mettre dans la nécessité de faire tous les deux ans, pour une œuvre aussi stérile, un emprunt de 300 millions ? Il valait certes la peine, sous l’impression toute chaude de l’emprunt, d’entrer en explications à ce sujet. On n’a pas été de cet avis. On a préféré ajourner toutes les discussions à l’adresse. Nous présenterons à ce propos une simple observation aux amis des institutions parlementaires. Pour faire réussir ces institutions dans notre pays, il vaut encore mieux en pratiquer fidèlement les mœurs que d’en invoquer les lois. Le propre