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fut dispersée par sa violence. Elle ne put se rallier que le lendemain 2 octobre, pour entrer le 3 à Brest, afin de réparer les avaries causées par la tempête.

L’épreuve était tout ce que l’on pouvait souhaiter ; on avait certainement rencontré un des plus forts coups de vent de l’Atlantique. Les sinistres qu’il causa sur les côtes de France et d’Angleterre sont les preuves malheureusement trop certaines de sa violence. Les lames atteignirent une hauteur à laquelle elles parviennent très rarement dans ces parages. Mesurées à bord du Solferino et du Napoléon, on obtint sur les deux navires le chiffre de 9 à 10 mètres. Dans toutes les mers, ce serait très considérable, et je trouve d’ailleurs dans ma propre expérience des souvenirs qui ne me permettent de conserver aucun doute sur l’importance d’un pareil chiffre. Au mois d’avril 1844, doublant le cap de Bonne-Espérance, c’est-à-dire au commencement de la mauvaise saison dans ces latitudes, j’eus l’ennui d’être très désagréablement ballotté pendant seize jours de gros temps consécutif sur la frégate la Sirène. À cette époque, l’esprit de corps des marins était très piqué contre M. Arago, qui s’était permis de plaisanter un peu vivement l’amiral Dumont d’Urville sur un chiffre que celui-ci avait donné, un peu à la légère peut-être, de la hauteur des lames dans les parages du banc des Aiguilles. L’académicien n’avait pas contesté ce que le marin alléguait, que c’est peut-être le point du globe où les lames atteignent en mauvais temps leur plus grande hauteur ; c’était le chiffre qu’il tournait en raillerie. Nous nous trouvions tout portés et servis à souhait par la mer elle-même pour essayer de juger la question, les officiers étaient à l’affût avec le zèle le plus louable, et ils auraient sans doute été très satisfaits, s’ils eussent pu donner raison à l’amiral ; mais malgré toute leur bonne volonté, aidée par les circonstances du temps, on ne put pas dépasser le maximum de 12 mètres.

Le coup de vent du 1er octobre a donc été des plus sérieux, et il a produit des avaries. Voyons ce qu’elles ont été.

Sur les cinq navires cuirassés qui étaient attachés à la division, il n’en est pas un seul qui ait fait des avaries que l’on puisse attribuer soit à leurs formes, soit au système général de leur construction, soit aux procédés industriels ou aux matières qui ont été employés pour les construire. Tout ce qu’ils ont souffert, — et en résumé c’est peu de chose, — est indépendant de la question des coques en bois ou en fer et de celle des navires cuirassés ou non. Ils ont eu des embarcations enlevées sur les porte-manteaux, soit ; mais c’est seulement une preuve de la violence de la mer. Le Napoléon, malgré l’avantage d’une plus grande élévation au-dessus de l’eau, en a perdu deux, tandis que l’Invincible n’en a pas perdu une seule. Ce