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le protectorat et le droit de garnison, le gouvernement britannique devait laisser un matériel égal ou en payer la valeur à l’état septinsulaire. Bien plus, en 1817, l’Angleterre a vendu à la Turquie, sans y être autorisée par la république des sept îles, une portion du territoire ionien, dont le traité ne lui donnait pas le droit de disposer, puisqu’elle n’en était que protectrice et non souveraine ; mais si le traité du 14 novembre 1863 ordonne la démolition des forteresses de Corfou, il passe sous silence le matériel de place dû par l’Angleterre aux Iles-Ioniennes et la vente de Parga, et ne stipule aucune indemnité sur ces deux points. Il est vrai que cet acte a été rédigé de telle manière qu’il déclare unies à la Grèce « les Iles-Ioniennes et leurs dépendances, ainsi qu’elles sont désignées dans le traité du 9 novembre 1815, » ce qui donne au gouvernement hellénique le droit de venir quelque jour réclamer Parga de la Turquie et de faire naître ainsi, quand il le voudra, de grosses complications européennes.

L’argument que l’Angleterre et l’Autriche ont fait valoir auprès des autres puissances pour obtenir la démolition des forteresses de Corfou a été l’intérêt de la sécurité européenne, laquelle exige que des fortifications de premier ordre élevées sur un point stratégique de cette importance ne demeurent pas à la merci du premier qui voudrait s’en emparer d’un coup de main. La Grèce, dit-on, dans l’état de décomposition où est tombée son armée, ne pourrait pas de longtemps fournir une garnison sûre et suffisante à Corfou. Ceci est matériellement inexact. Si la moitié de l’armée grecque, celle que M. Boulgaris avait concentrée dans Athènes après la révolution de 1862, a été désorganisée par des promotions illégales, l’autre moitié, demeurée sur la frontière et dans des garnisons de province, est intacte. Elle a conservé ses cadres anciens et sa discipline. Nous avons vu les soldats des frontières former pendant les mois de septembre et d’octobre 1863 la garnison d’Athènes, où leur conduite n’a pas donné le moindre sujet de plainte. En les choisissant dans ces corps, le gouvernement grec eût pu immédiatement envoyer à Corfou les 2 ou 3,000 hommes nécessaires pour garder les forteresses en temps de paix. — Mais, ajoute-t-on, quand même son armée serait en bon état, la Grèce serait toujours trop faible pour défendre efficacement une place telle que Corfou. — Ici encore nous devons taxer d’inexactitude l’assertion de l’Angleterre et de l’Autriche. Le système des fortifications de Corfou est conçu pour être défendu par une garnison de 5 à 6,000 hommes. Or une telle garnison n’excède pas plus les forces de la Grèce que la garnison nécessaire pour les fortifications d’Anvers n’excède celles de la Belgique. Quant à l’énergie que l’on eût pu attendre des Grecs pour y repousser une