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essaya vainement de contenir ce mouvement d’opinion par des mesures arbitraires d’emprisonnement et de déportation contre les journalistes et les députés du parti national. Bientôt survint le soulèvement de Scala, dans l’île de Céphalonie. L’administration britannique, représentée par sir Henry Ward, usa du droit légitime de répression, mais avec une rigueur inouïe. Le lord haut-commissaire croyait avoir donné dans cette répression un exemple de nature à arrêter l’expansion du mouvement en faveur de l’union à la Grèce. Il se trompait. En fournissant des martyrs à la cause qu’il voulait combattre, il n’avait fait que la fortifier.

Aussi, un an seulement après les affaires de Céphalonie, lorsque le premier parlement nommé d’après le système des réformes de lord Seaton se fut rassemblé, le 26 novembre (8 décembre) 1850, onze députés[1] déposèrent sur le bureau de la chambre un projet de déclaration portant « que la volonté unanime, ferme et immuable du peuple ionien était le recouvrement de son indépendance et son union avec la Grèce affranchie. » Prévenu par une indiscrétion de ce qui se passait à la chambre et voulant empêcher même la discussion du projet, sir Henry Ward envoya sur l’heure un message prorogeant le parlement à six mois et ordonnant de lever la séance immédiatement. La dissolution du parlement ionien suivit de près sa prorogation. Vinrent des élections où le lord haut-commissaire mit en œuvre tous les moyens de pression en son pouvoir pour faire triompher les candidats qui lui paraissaient dévoués à l’Angleterre. Entre les élections et la réunion du parlement, les membres du parti rhizospaste qui venaient d’être nommés députés furent enlevés violemment par la police avec des journalistes et d’autres citoyens, et déportés sur les îlots déserts de Cerigotto et d’Éricuse, où ils demeurèrent deux ans sans communication avec le reste du monde. Et cependant le mouvement de l’opinion publique était tel que cette chambre n’osa point accepter les reformes proposées le 22 décembre 1852, repoussées par le pays parce qu’elles contenaient la sanction des usurpations de la Grande-Bretagne.

La corruption et la violence ne furent pas moins manifestes dans les élections de la chambre suivante. Les rhizospastes ne comptèrent dans le parlement que pour une très petite minorité ; mais la force des tendances nationales était si grande aux Iles-Ioniennes que ce fut une assemblée ainsi composée qui produisit les manifestations les plus éclatantes et les plus multipliées du vœu d’union à la Grèce.

La première de ces manifestations eut lieu en 1857 ; elle fut provoquée

  1. MM. Livadas, Nathaniel et François Doménéghini, Dessylas, Zervos, Monferrato, Païzis, Typaldos Capélétos, Pylarinos, Typaldos Iacovatos et Pophandis.