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sera formé, autant que possible, en raison composée de la population et des contributions du bailliage. En exécution de l’édit, le règlement général fixait le nombre des députés à élire par chaque circonscription. Sur cette liste, le bailliage de Poitiers, le plus grand de tous, avait vingt-huit députés à nommer ; la sénéchaussée de Riom, qui comprenait la plus grande partie de l’Auvergne en avait vingt, d’autres seize, d’autres douze, d’autres huit, les plus petites quatre seulement. Malgré cette proportion, on n’avait pu obtenir tout à fait l’égalité mathématique à cause des anciens droits qu’on avait voulu respecter, mais on s’en était rapproché le plus possible. De bien plus grandes inégalités se maintiennent encore en Angleterre et dans tous les pays électifs.

Une moitié seulement de la France avait voté par bailliage en 1614, et pouvait par conséquent recourir à son ancienne division. Cette moitié, qui a formé plus tard quarante-cinq de nos départemens, se divisait en quatre-vingt-huit bailliages ou sénéchaussées. L’autre moitié comprenait les pays d’états, comme le Languedoc, la Bretagne, la Bourgogne, etc., et les pays conquis ou annexés depuis 1614, comme le Roussillon, la Franche-Comté, la Lorraine et l’Alsace. Le Dauphiné, qui était pays d’états en 1614 et qui avait cessé de l’être, formait une catégorie à part. Il fallut pourvoir par des règlemens particuliers aux élections de ces diverses provinces. Encore une complication ; pouvait-il en être autrement ? Pour se rapprocher de l’uniformité, le gouvernement n’hésita point à violer les privilèges des pays d’états, ce qui devrait au moins avoir l’approbation de l’école révolutionnaire. Au lieu de laisser aux états provinciaux, suivant l’ancien usage, la nomination des députés, il divisa ces provinces en bailliages ou sénéchaussées sur le modèle des autres, et leur donna l’élection directe.

C’est ainsi que le Languedoc, par exemple, qui a formé depuis sept départemens, fut divisé en douze sénéchaussées ; la Bretagne, qui avait moins d’étendue, mais plus de population, en treize, et ainsi de suite. Pour ces nouvelles circonscriptions comme pour les anciennes, on distribua les députés à élire d’après la population et la richesse. On prit pour unité ce qu’on appela une députation, qui se composait d’un membre du clergé, d’un membre de la noblesse et de deux membres du tiers-état. Cent cinquante-six députations ou six cent vingt-quatre députés furent accordés à la moitié du territoire qui avait voté par bailliages en 1614, et un nombre à peu près égal à l’autre moitié, de telle sorte, qu’il y eut en moyenne une députation pour une population de quatre-vingt à cent mille âmes. On fut amené ainsi à élever le nombre indiqué par le résultat du conseil du 27 décembre ; au lieu de mille députés en tout, on dut en appeler douze cent quarante, dont un quart pour le clergé, un quart pour la noblesse et la moitié pour le tiers-état. Ce nombre ne fut pas tout à fait atteint dans les élections à cause de l’abstention de la noblesse de Bretagne, mais les députés élus dépassèrent douze cents.

Voyons maintenant le système adopté pour mettre en mouvement cette