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ne variât guère : l’offre du capital dépassait presque toujours la demande. Il n’en est pas de même aujourd’hui. Le mouvement des affaires s’est surtout fort accru depuis dix ans ; aussi est-ce depuis cette époque que le taux de l’intérêt a subi les plus grandes variations, non-seulement en France, mais en Amérique, en Angleterre, partout. À cette cherté du capital, à mesure que nous avançons en civilisation et en progrès matériel, il y a la même cause qu’à l’élévation du prix de toutes choses. La liberté commerciale avait promis aussi la vie à bon marché aussitôt qu’on la réaliserait ; on l’a réalisée en partie au moins dans certains pays, et la vie y est plus chère que jamais. Est-ce la faute de la liberté commerciale ? Non, assurément ; mais par cela même qu’elle a été utile au progrès de la richesse publique, elle a donné à plus de monde le moyen de se procurer les choses qui auparavant étaient le privilège de quelques-uns, et ces choses ont tout naturellement augmenté de prix. Cependant, comme les facultés de chacun ont augmenté dans une proportion plus forte encore, cette augmentation du prix des choses a été un bienfait plutôt qu’un malheur. Il en est de même du loyer du capital ou taux de l’intérêt : s’il a augmenté malgré les immenses ressources qu’ont procurées au Nouveau-Monde et à l’Europe en particulier les mines d’or de la Californie et de l’Australie, malgré l’augmentation énorme du capital qui est résultée des facilités données aux échanges par les chemins de fer, malgré enfin les nouveaux perfectionnemens du crédit qui ont contribué à rendre ce capital accru plus disponible encore, c’est que l’emploi s’en est fait sur une échelle beaucoup plus considérable, et cet emploi du capital, qui le rend cher, il faut le bénir, car c’est lui qui donne du travail à tout le monde, et qui assure la richesse d’un pays. Dans tous les cas, ce ne sont pas les systèmes empiriques qu’on propose qui réussiraient aie rendre plus accessible, ils ne feraient au contraire que compromettre la fortune publique, et alors le capital deviendrait plus cher, non pas parce qu’il serait très employé, mais parce qu’il n’oserait plus se montrer.


VICTOR BONNET.