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qu’aurait été construit cet amphithéâtre en miniature, qui n’est pas la moitié de celui de Nîmes.

Toute cette région du Dicté, sans être mieux boisée que le reste de la Crète, produit en assez grande abondance quelques arbres qui manquent dans les districts de Selino et de Sfakia, comme le pin à pignon et le caroubier. Le -caroubier, qui dans toute la province de Candie couvre souvent des étendues de terrain considérables, donne sans culture, à quiconque prend la peine d’en récolter les gousses, un revenu très avantageux. Sur les pentes des montagnes de Lassiti, le poirier et le pommier, cultivés avec quelque soin dans certains villages, portent des fruits meilleurs que dans le reste de l’île ; enfin, à l’extrémité sud-est de la Crète, on rencontre un bois de dattiers. Ces palmiers, que l’on ne trouverait ainsi réunis dans aucune autre des îles de l’Archipel, se dressant sur un promontoire qui s’avance dans la mer de Libye, semblent être ici comme une lointaine avant-garde de la végétation africaine et comme un encouragement et une promesse au navigateur qui double les côtes de l’île pour se diriger vers Alexandrie. Au VIe siècle avant Jésus-Christ, les Doriens de Thera avaient reçu de l’oracle de Delphes l’ordre d’envoyer une colonie en Libye ; ils cherchèrent partout un pilote qui pût guider leurs navires et leurs émigrans vers ces côtes reculées dont aucun Grec alors ne connaissait la route. Ce fut en Crète qu’ils finirent par trouver un vieux marin que la tempête avait jeté jadis aux rivages libyens ; pour obéir aux ordres du dieu, le Crétois entreprit de conduire l’expédition, et il mena les Doriens dans cette contrée fertile, où ils fondèrent la riche et glorieuse Cyrène.

Si l’on excepte les hautes vallées des Monts-Blancs et de l’Ida, la vigne réussit admirablement dans toute l’île de Crète, et, malgré leur négligence et la grossièreté des procédés qu’ils emploient, musulmans et chrétiens y font encore d’excellent vin, qui rappelle celui de la Sicile. Les Vénitiens, qui apportaient sans doute plus de soin à trier les grappes et à surveiller la fermentation, estimaient fort certains crus des districts voisins de la capitale, et leurs historiens et leurs poètes les vantent souvent sous le nom de malvoisie de Candie. L’olivier est aussi répandu, comme la vigne, à peu près partout. À ces deux exceptions près, chacun des autres arbres dont nous avons signalé l’existence en Crète a son canton, en dehors duquel il ne se rencontre guère. De châtaigniers, nous n’en avons trouvé qu’à Enia-Choria et près de quelques villages des montagnes de Selino. La province de Rhetymo a seule des chênes à vallonée, et les caroubiers ne se montrent nombreux que dans les provinces orientales. Sfakia a les chênes verts, les chênes-lauriers et les cyprès,