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sur les édifices de la ville haute ; pour que rien ne se perdît, on avait creusé dans le tuf des gouttières qui couraient obliquement tout autour du massif escarpé que surmontait la citadelle. Là se rassemblaient, pour être aussi conduites dans la citerne, toutes les eaux qui glissaient et ruisselaient le long de ces escarpemens.

Les ruines d’Axos, celles d’Eleutherna, celles aussi de Sybritia, que nous avons reconnues près du petit village de Veni, se trouvent dans l’intérieur d’une chaîne de moyenne hauteur, appelée maintenant Kendros, qui rattache les Monts-Blancs à l’Ida. C’est aussi dans ce même canton que le voyageur rencontre le couvent d’Arkadia, le plus grand peut-être de toute l’île. L’église, qui est du XVIIe siècle, a toute une façade d’ordre corinthien ; mais le couvent, comme les autres couvens de Crète, a tout perdu à la révolution : diplômes, manuscrits, livres, images anciennes, tout a été pillé, brûlé, détruit. Une large vallée, connue sous le nom d’Amari-Casteli, sépare la chaîne du Kendros de la masse centrale de l’Ida. Cette vallée est beaucoup moins belle que les campagnes de Mylopotamo ; ici la neige fait souvent souffrir les oliviers, et les rafales qui tombent de la montagne leur cassent des branches. Les villages sont pourtant nombreux sur ces pentes occidentales de l’Ida, et les chrétiens y sont partout à côté des musulmans. L’Ida n’inspire pas aux Turcs la même frayeur que les Monts-Blancs ; dans ces vallées bien plus ouvertes et plus accessibles que celles de Sfakia, la population est plus mélangée et les forces mieux balancées.

En franchissant les contre-forts allongés que l’Ida envoie vers le sud-ouest, on descend dans la Messara, que se partageaient autrefois les villes de Phestos et de Gortyne. La Messara est la plus grande plaine, ou pour mieux dire la seule plaine de la Crète. Comprise entre une petite chaîne qui la sépare de la mer et les hautes collines qui forment à l’Ida, vers le sud, un large soubassement, elle court de l’est à l’ouest sur une longueur d’une quinzaine de lieues et une largeur moyenne de deux à trois. Elle est divisée en une plaine haute et une plaine basse par un étroit défilé qui s’ouvre au bas de la colline que couronnait Phestos. Au fond coule le Ieropotamo, l’ancien Electras, qui a toujours un peu d’eau, même en été. Presque tout le terrain est cultivé. Le sol porte des céréales de toute espèce, du coton, du tabac ; autour des villages qui se sont établis au pied des collines se pressent les orangers et les citronniers, ainsi que des mûriers où s’enlace et grimpe la vigne. Les oliviers s’abritent de préférence dans le creux des ravins qui montent à l’Ida.

Gortyne, dont les restes se trouvent auprès d’un village grec appelé Haghious-Deka, était une des trois plus puissantes cités de la Crète indépendante ; sous l’empire romain, elle prit une suprématie