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extraordinaires de 1865 avec le produit des aliénations du domaine national.

La guerre civile américaine est, elle aussi, depuis son origine, une cause de trouble économique pour l’Europe. Directement, par la suppression de l’exportation du coton, elle fut d’abord, l’année dernière, la cause d’un chômage cruel pour une classe nombreuse et intéressante de travailleurs en France et en Angleterre. Indirectement elle est la cause d’une perturbation étrange et très embarrassante dans notre circulation monétaire et dans le mouvement des réserves métalliques des banques. Les manufacturiers privés de coton américain sont allés demander la matière première à l’Inde et à l’Égypte ; ils ont adapté leur outillage aux qualités de coton fournies par l’Orient. La spéculation et la production se sont portées sur le coton avec une énergie extraordinaire. Or les cotons américains se payaient avec des produits manufacturés d’Europe, et la balance commerciale gardait son équilibre ; les cotons de l’Orient ne se paient qu’avec des métaux précieux, que le commerce puise dans l’encaisse des banques. Chose curieuse, l’or de la Californie et de l’Australie semble destiné pour quelque temps à ne sortir péniblement de ses gangues de quartz que pour aller s’enfouir dans les mines artificielles créées par la passion thésaurisatrice de l’Orient. De là un trouble dans le mouvement monétaire de l’Angleterre et de la France dont il n’est pas encore permis d’entrevoir le terme. C’est une raison de plus ajoutée à toutes les raisons d’humanité et de politique pour souhaiter la fin de la guerre américaine par la victoire de l’Union sur les états rebelles. La malheureuse insurrection des esclavagistes a contre elle, on le voit mieux de jour en jour, non-seulement tous les principes, mais tous les intérêts de la civilisation moderne. La prépondérance matérielle des états au travail libre sur les états esclavagistes se manifeste lentement et sûrement dans les derniers faits de guerre ; mais si l’on eût mieux démêlé à l’origine, en Angleterre et surtout en France, l’issue nécessaire, l’insurrection ne se fût point bercée d’illusions, et la lutte à l’heure qu’il est serait peut-être terminée.

Nous n’achèverons point ces lignes sans payer un tribut de regrets à un vétéran de nos anciennes assemblées, M. Vavin, qui vient de mourir. M. Vavin appartenait à une école de libéraux que la France s’honorera un jour d’avoir produite, école également recommandable par la constance et la modération de ses opinions généreuses, et dont le représentant éloquent et vénéré est M. Odilon Barrot, qui prononçait l’autre jour des paroles émues sur la tombe de son ancien ami. On n’oubliera point la grande mission de la liquidation de l’ancienne liste civile dont M. Vavin fut chargé après 1848. Cette difficile et lente opération mit en relief, dans une harmonie parfaite, les aptitudes pratiques de M. Vavin, la droiture de ses principes et l’intégrité de son caractère. Il était de ceux, et il l’a prouvé par ses actes et par ses paroles, qui pensent que les droits de la propriété