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Une partie de l’Europe qui n’en est encore qu’aux maux de l’enfance, c’est l’Italie. Le parlement italien, réuni récemment, vient de traiter avec le développement et l’éclat qu’elles méritent deux questions importantes : une question d’ordre intérieur relative à l’état de la Sicile et la question financière. Le gouvernement du roi d’Italie a pour tâche de réparer dans les provinces méridionales, notamment en Sicile, les maux que le despotisme y a créés et entretenus trop longtemps. Une triste illusion des conservateurs obtus, des codini de tous les pays, est de croire que le despotisme puisse être pour les peuples une école d’ordre et de discipline. Il arrive presque toujours au contraire que la concentration de pouvoir que le despotisme place dans la volonté arbitraire d’un seul n’est qu’un masque qui recouvre au fond la désorganisation intime du gouvernement et une anarchie qui du pouvoir descend silencieusement jusqu’aux masses. Toute l’histoire nous apprend que les peuples les plus difficiles à gouverner sont ceux qui sortent des étreintes corruptrices de l’autocratie, et que c’est précisément la sinistre éducation du despotisme qui les fait ingouvernables. C’est la première difficulté des institutions libérales d’avoir à liquider ce pénible héritage. Parce qu’elles démasquent le mal, il est des esprits faux qui lui en imputent la cause ; parce qu’elles le combattent au grand jour de la publicité, les mêmes esprits faux sont toujours prêts à les accuser de rigueur et à leur reprocher de démentir leurs principes. Le gouvernement libéral italien passe aujourd’hui par cette pénible épreuve, et en affronte les difficultés avec un louable courage. Tous les libéraux d’Europe doivent l’accompagner de leurs applaudissemens dans cette rude campagne. C’est un devoir pour eux de soutenir de leur approbation publique des hommes tels que M. Peruzzi et M. Minghetti, qui viennent d’exposer avec fermeté devant le parlement italien la politique d’ordre et de liberté que le ministère actuel pratique avec succès, et il faut aussi féliciter le parlement italien de la sanction éclatante qu’il a donnée à cette politique. La question financière est également l’une des grandes difficultés et l’un des intérêts vitaux de la nouvelle Italie. Tant que les questions de Venise et de Rome demeureront indécises, il est impossible à l’Italie d’une part de donner à ses ressources tout le développement qu’elles comportent, et de l’autre de réduire ses dépenses militaires au pied de paix. Dans cette situation incertaine, le trésor italien ne perçoit pas du revenu tous les produits qu’il en devrait retirer, et il est obligé de porter ses dépenses à un chiffre plus haut que celui de ses ressources régulières. Cet état précaire, tant qu’il durera, ne sera pas seulement pour l’Europe un danger politique, il sera aussi une cause d’embarras économique. M. Minghetti a le mérite de faire face à ces difficultés financières avec une grande largeur de vues, et il ne les combat point sans succès. Il est en mesure de pourvoir au service financier de 1864 avec les 200 millions qui restent à émettre sur le grand emprunt de 700 millions voté cette année, et il espère pourvoir aux besoins