Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/995

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sante sur la prospérité du pays et sur sa gloire. Des finances bien ordonnées sont un exemple de haute moralité et de sage conduite pour la nation entière : elles élèvent le crédit public, et par là donnent une impulsion vivifiante à l’ensemble des affaires particulières ; elles procurent à la politique nationale des ressources toujours égales à celles que réclament l’accomplissement de ses devoirs et la générosité de ses desseins, et par là elles assurent le plus solide fondement de sa puissance et de sa gloire ; elles sont enfin à la fois la plus forte garantie de la conservation et le plus sain stimulant du progrès régulier. Quant à nous, nous sommes optimistes lorsque nous pensons aux ressources financières de la France, à tout ce que ces ressources sagement économisées sont capables de produire ; mais, nous l’avouons, à la fierté que nous donne la juste appréciation de la richesse française se mêle une humiliation intempestive et douloureuse, quand nous voyons notre gestion financière contrainte par des entreprises imprévoyantes et mal calculées de s’exposer à des embarras compromettans. Ce sentiment pénible est celui qu’éprouvent tous ceux qui portent en eux la connaissance et le patriotique orgueil de nos finances.

La part ainsi faite aux considérations qui sortent de la situation qu’on nous révèle, il reste une nécessité, celle de l’emprunt que présente le ministre des finances, et une question subsidiaire, la forme sous laquelle cet emprunt devra être émis. Quant à la nécessité de l’emprunt, elle est incontestable : nous l’avions démontrée il y a un mois et demi, et cela par des argumens que nous avons été heureux de rencontrer dans le rapport de M. Fould. Un découvert de 972 millions ne pouvait être supporté que par une dette flottante énorme dans laquelle les bons du trésor figuraient pour 300 millions. Quand l’état se fait dans une telle proportion des ressources momentanées au moyen de bons du trésor, il entre sur le marché des capitaux en concurrence avec les affaires de l’industrie et du commerce. Les conditions de cette concurrence sont particulièrement désavantageuses pour les affaires ; la catégorie du capital que l’état vient absorber par ses bons du trésor est celle des fonds de roulement, qui sont le ressort le plus actif de la production industrielle et des échanges commerciaux. Le devoir évident de l’état est de persister le moins longtemps possible dans cette concurrence fâcheuse et de s’adresser par un emprunt en rentes à la classe des capitaux destinés à l’immobilisation et aux placemens fixes. Telle est l’explication et la justification de l’emprunt actuel. Sous quelle forme cet emprunt sera-t-il émis ? Cette question d’exécution est à nos yeux d’une importance très secondaire. Suivant nous, la forme d’émission la meilleure est en tout pays celle qui est le mieux entrée dans les habitudes du public. En France, à des conditions, il est vrai, onéreuses pour l’état, mais avec une grande faveur publique, on fait depuis dix ans les emprunts par voie de souscription nationale. Renoncera-t-on à ce système ? Dans la recherche d’un autre mode d’émission, on semble dirigé par la pensée de découvrir le