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responsabilité d’un cabinet ; il n’est qu’une sorte d’intendant-général et de caissier central. Il n’est donc pas l’imprévoyant par excellence à qui une chambre chargée du contrôle peut s’en prendre en cas de trop forts mécomptes. Qu’on en soit convaincu, tant que cette lacune subsistera dans notre économie gouvernementale, nous verrons s’y prolonger aussi la cause la plus générale d’une gestion financière privée d’aplomb dans ses mouvemens et de certitude dans ses résultats.

Ces intéressantes questions ne manqueront point de saisir puissamment l’attention de la chambre dans le débat de l’emprunt. Les questions financières sont celles d’où dépendent essentiellement l’honneur, le crédit, l’influence des assemblées représentatives. C’est de ces questions qu’est né, on peut le dire, le régime représentatif dans l’Europe moderne. Elles ne seront pas inutiles aux progrès que le régime représentatif a encore à faire parmi nous. Et ici, qu’on ne se méprenne point sur notre pensée, nous n’entendons pas réserver à l’opposition seule l’honneur de défendre les vrais principes financiers ; nous serions fâchés que la majorité lui laissât ce rôle exclusif. Les finances sont un intérêt public si élevé, si vital, que, lorsqu’elles doivent être l’objet d’une discussion anxieuse et profonde, tout intérêt de parti s’efface à nos yeux, et doit se fondre dans le commun devoir du patriotisme. Dirons-nous toute notre pensée ? Désireux avant tout de voir réussir dans le gouvernement de la France les bonnes maximes et les bonnes pratiques financières, nous aimerions mieux que la défense de ces maximes et de ces pratiques fût prise en ce moment par des députés de la majorité, et fût présentée au pouvoir par des voix qui en aucun cas ne sauraient lui être suspectes ; nous ne voudrions pas que la cause des bonnes finances pût être affaiblie aux yeux du pouvoir en passant par des organes où il est enclin à voir des adversaires systématiques. La majorité compte des membres qui sans contredit ne sont point inférieurs à cette tâche. Dans l’ancien corps législatif, nous avons vu des hommes tels que M. Devinck et M. Gouin ne pas craindre, en se plaçant au point de vue des vrais intérêts du gouvernement, de dénoncer les périls et de critiquer les tendances de la gestion financière. Ces honorables exemples ne seront point perdus pour la nouvelle majorité, dont plusieurs orateurs, MM. Segris, Larrabure, d’Havrincourt, ont déjà fait leurs preuves d’intelligence et d’indépendance. Quel plus puissant stimulant pourraient-ils avoir qu’une situation qui proclame si haut l’échec des espérances généreuses conçues il y a deux ans ? Quelle excitation plus patriotique que le désir d’assurer à la France toute sa liberté et toute sa puissance financière ? Sans doute, et c’est un malheur, le public, trop peu familier avec le langage des chiffres, ignore jusqu’à quel point l’intérêt de notre sécurité et de notre grandeur est uni à l’état et à la conduite de nos finances ; mais cette ignorance n’est point une excuse à l’usage des représentans du pays. Tout homme politique sait que les finances peuvent avoir l’influence la plus bienfai-