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tant plus de mérite qu’il était l’homme de France à qui l’aveu d’une telle situation devait être le plus pénible. « Quant à moi, sire, dit-il, j’avais eu l’espoir de ne pas rouvrir le grand-livre. » Personne en effet ne contestera la vigueur et l’habileté des efforts que M. Fould a faits pour éviter cette nécessité. Grâce à l’expédient, aussi heureux que hardi, de la conversion facultative, grâce à d’adroites négociations, M. Fould avait pu apporter une atténuation de 200 millions au découvert de 1861. Sans les dépensés causées par les expéditions du Mexique et de la Cochinchine, dépenses qui montent à 270 millions, le découvert ne dépasserait pas aujourd’hui 700 millions, et nous n’aurions pas à opter, avec des budgets qui dépassent 2 milliards, entre les inconvéniens d’une dette flottante démesurée et la triste nécessité d’un emprunt en pleine paix. Est-ce à dire que le système que M. Fould était venu inaugurer n’a eu aucune efficacité ? Nous ne le pensons pas. L’avantage de ce système nous a toujours paru devoir consister dans une manifestation plus exacte et plus saisissante de la situation financière. La méthode de comptabilité de M. Fould devait, à nos yeux, mettre plus directement et plus facilement les contrôleurs naturels de la gestion financière en présence des influences dirigeantes et des effets de cette gestion. Le contrôle serait triple dans le système parlementaire : il y aurait un cabinet solidaire et responsable, il y aurait les chambres, il y aurait le pays. Sous le régime actuel, il peut toujours y avoir deux contrôles, celui du corps législatif et celui du pays. La méthode introduite par M. Fould ne pouvait fournir au contrôle financier que des lumières, elle ne pouvait communiquer à ceux qui sont appelés à l’exercer l’application et l’énergie qui leur sont nécessaires. On montre au corps législatif et au pays les choses telles qu’elles sont ; c’est maintenant au corps législatif et au pays de marquer l’approbation ou l’improbation, de donner des conseils ou d’exiger des réformes. Ce qui est clair aujourd’hui, c’est que, malgré l’habileté spéciale que tout le monde accorde à M. Fould, malgré les efforts qu’il a faits, malgré les espérances qu’il avait conçues et que le public avait volontiers partagées, malgré l’ampleur énorme de nos budgets, malgré le succès de brillantes combinaisons, malgré l’emploi de toutes les ressources disponibles, la dépense n’a pu se contenir dans les larges limites du revenu ; l’accroissement du découvert n’a pu être arrêté, un emprunt de 300 millions est devenu nécessaire.

Il est impossible que le corps législatif ne se préoccupe point gravement, dans la discussion de l’emprunt, des causes qui ont amené cette situation. Ces causes sont de deux sortes : les unes accidentelles, les autres générales.

Les causes accidentelles sont indiquées dans le rapport même de M. Fould. L’expédition du Mexique nous coûte à l’heure qu’il est 210 millions, l’expédition de Cochinchine 60. Si nos finances n’avaient point eu à faire face à ces coûteuses diversions, nos découverts seraient descendus à 700 millions, et il ne serait pas question d’emprunt. Il faudra donc, dans la discus-