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Caïn et le fronton des Jeunes-Aveugles ; Simart (1833), mort à cinquante ans, sculpteur qui tendait vers l’art antique par des aspirations passionnées, et qui était appelé à exercer tant d’influence par l’énergie de ses convictions et le respect qu’il inspirait : son Oreste, les Victoires de la barrière du Trône, les bas-reliefs de Dampierre et ceux du tombeau de l’empereur consacreront un talent qui grandissait toujours.

Nous comptons ensuite : Bonnassieux (prix de 1836), que recommandent l’Amour se coupant les ailes, Jeanne Hachette, et de beaux bustes ; Diéboldt (1841), ravi par une mort prématurée, particulièrement doué pour la sculpture monumentale, ainsi que l’atteste son fronton du Louvre ; Cavelier (prix de 1842), dont la Pénélope endormie a eu un succès immense ; Lequesne (1844), dont le Faune dansant est populaire ; Guillaume (1845), talent élevé, réfléchi, complété par la culture des lettres et la science des principes, qui s’est manifesté si noblement par les Gracques, le Faucheur et les bas-reliefs du chœur de Sainte-Clotilde ; Perraud (1847), tempérament généreux, sculpteur de premier ordre, dont l’avenir a été salué dans la Revue[1], et qui exprime avec une puissance supérieure les sujets les plus divers et les natures les plus opposées ; Maillet (1847), dont l’Agrippine, pleine de sentiment, respire un caractère romain ; Thomas (1848), dont le Virgile a dépassé encore tout ce que promettait le beau bas-relief du Soldat Spartiate rapporté à sa mère ; Gumery (1850), dont le Faune jouant avec un chevreau a fondé la réputation ; Carpeaux (1854), qui a débuté avec éclat par son groupe d’Ugolin et son Jeune Pêcheur. Enfin pourquoi ne nommerais-je pas de jeunes artistes qui nous envoient de Rome même, où ils sont encore pensionnaires, des œuvres aussitôt remarquées : Cugnot (1859), son Corybante ; Falguière (1859), son Jeune Grec vainqueur au combat de coqs ? N’est-ce point la preuve que la chaîne des bons exemples n’est point interrompue et que le présent porte déjà ses fruits ?

Voilà trente noms, voilà des œuvres, belles ou sérieuses, ou célèbres, qui répondent assez aux calomnies dont l’école de Rome est l’objet. Quoique la sculpture, art plus abstrait, plus idéal, ne séduise point la foule aussi vivement que la peinture, on entend dire, après chaque exposition, que les sculpteurs l’emportent sur les peintres par l’importance de leurs productions, par l’élévation des sujets, par la vigueur de l’exécution, par la science des formes. Rien n’est plus vrai, et l’on peut ajouter que si l’école de peinture se laissait entraîner trop loin par le goût public, de plus en plus

  1. Voyez la livraison du 1er juin 1861.