Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/921

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Rome doit succomber, qu’elle tombe d’un seul coup avec son passé, ses institutions, sa couronne de jeunes talens, avec les regrets de toute la France ; mais ne l’énervez pas sous prétexte de la guérir, ne la corrompez pas pour qu’elle languisse sans honneur, ne la forcez pas, par des douceurs empoisonnées, de mériter un jour de périr ! »

Un décret du 15 novembre 1863 a pu laisser craindre qu’il ne fût touché à l’école de Rome. L’Académie des Beaux-Arts, à laquelle la loi du 25 octobre 1795 et la loi complémentaire du 4 avril 1796 attribuent la tutelle morale de l’école de Rome, a présenté à l’empereur des observations respectueuses, mais dictées par une ferme conviction et par l’amour du bien public. Il est encore permis d’espérer que l’application du décret sera différée ou adoucie pour ce qui concerne les pensionnaires de la villa Médicis. Quant au rapport adressé par M. de Nieuwerkerke au maréchal Vaillant, je n’ai rien à en dire. Condamner à la face de l’Europe notre école des Beaux-Arts, qui sert de modèle aux écoles des autres pays, flétrir l’École de Rome, d’où sont sortis depuis cinquante ans la plupart de nos artistes éminens, accuser d’incapacité et d’injustice l’Académie des Beaux-Arts, qui résume la doctrine de l’école française et contient toutes ses gloires, c’est une triste tentative qui n’a plus besoin d’être combattue[1]. Il suffit d’en appeler au bon sens de la France et à son patriotisme. Le vain bruit qu’on a suscité dans quelques journaux ne fait illusion à personne. L’opinion, d’abord étonnée, se prononcera bientôt ; je me trompe, elle s’est déjà prononcée. Que ceux qui veulent achever de s’éclairer lisent l’adresse de félicitations insérée au Moniteur du 29 novembre, et signée par cent neuf personnes ; qu’ils examinent, je les en adjure au nom de l’honneur national, les signatures apposées au bas de cet acte, qu’ils pèsent la valeur de chaque nom, qu’ils songent, d’un autre côté, que quatre cent quatre-vingt-cinq élèves de l’École des Beaux-Arts ont remis à l’empereur une pétition contraire, et ils seront aussitôt édifiés.

Puisqu’on nous force à nous compter dans une crise qui peut devenir si funeste à l’art français, je crois juste de présenter au public un tableau de l’école de Rome depuis le commencement du siècle. Je n’entreprends ni une histoire ni un panégyrique, mais un simple travail de statistique. Des noms, des dates, des œuvres, mettront le lecteur en mesure de se souvenir et d’apprécier. On accuse l’école de Rome devant le pays de ne justifier ni ses libéralités ni sa confiance : j’apporte les pièces du procès. Que le pays juge !

  1. M. Ingres vient de publier, avec l’autorité de son grand nom, une réponse au rapport sur l’École impériale des Beaux-Arts.