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d’une ballade populaire[1], ou avec l’Écossais Robin Conscience qui, vers la fin du XVIIe siècle, décrivait minutieusement ses impressions dans la capitale[2]. Écoutez les cris de la Cité : « Achetez un balai (Buy a broom) ; cerises mûres (Cherry ripe) ! etc. Ce dernier air, chanté par Mme Vestris dans Paul Pry, jouissait à Londres, il y a un certain nombre d’années, d’une immense popularité. C’est le même qui est connu en France sous ce titre : Nos amours ont duré toute une semaine. D’autres chansons nous initient aux mœurs des boutiquiers et des marchands. C’est la veuve inconsolable d’un riche marchand de la Cité qui, au bout de quelques mois, se remarie avec le premier commis et « fait réchauffer pour le festin des noces les restes du repas des funérailles. » Après les Aventures de Nigel, rien ne fait mieux connaître la vie des apprentis de Londres que la chanson de Sally in our alley. Les apprentis forment la transition entre les petits métiers et ces corporations puissantes auxquelles les princes tiennent à honneur d’appartenir, qui ont fourni des lords-maires à la Cité, des présidens à la chambre des communes, des ministres à la Grande-Bretagne. Qui ne connaît la légende rimée et chantée de Whittington et son chat, variation tout anglaise de notre Chat botté, et ce refrain que les cloches de Londres lui jetaient, alors que découragé il allait abandonner la partie :

Turn again, Whittington,
Thrice lord mayor of London.


C’est une de ces traditions profondément nationales qui entretiennent dans les classes inférieures l’esprit de suite et d’entreprise, l’amour de l’indépendance conquise par le travail, nobles passions auxquelles l’Angleterre doit sa gloire et sa prospérité.

La chanson de Whittington porte ce titre caractéristique : l’Avancement de sir Richard Whittington. Une autre est intitulée : l’Honneur d’un apprenti de Londres, ses belles actions en Turquie, et comment il épousa la fille du sultan. Citons encore celle où l’on voit, au XVe siècle, un de ces marchands, comme notre Jean Ango, prêter des millions au roi pour faire la guerre à la France, puis brûler les billets dans une fête donnée au retour de l’expédition. Du reste les hommes des. métiers ne contribuaient pas seulement de leur bourse, mais aussi de leurs personnes. Un des plus anciens de ces songs of trades rappelle, dans sa chronologie un peu confuse, « comment les apprentis de Londres signalèrent leur bravoure au

  1. The Norfolk Farmer’s Journey to London, dans les Roxburghe ballads, publiées par J. Payne Collier. London 1847, in-4o.
  2. Songs of the London prentices and trades, publiées par Charles Mackay pour la Société Percy. Londres 1841, in-8o, p. 69.