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parler, l’ivrognerie tient une place notable, et l’on voit souvent, placardées sur les murs des cabarets rustiques, de vieilles chansons où des textes de la Bible sont invoqués dans le sens d’une propagande tout opposée à celle des sociétés de tempérance. Une autre chanson bien anglaise est le Smoking spiritualised, le Spiritualisme de la pipe, composée en 1707 par le révérend Ralph Erskine, et qui se réimprime encore aujourd’hui :


« La fumée qui s’élève en l’air vous montre la vanité des choses mondaines que le moindre souffle fait évanouir. Faites cette réflexion et fumez votre tabac.

« Lorsque l’intérieur de votre pipe se noircit, pensez à l’âme souillée par le péché : alors le feu seul peut la purifier. Faites cette réflexion et fumez votre tabac. »


Nous voilà bien loin de la jovialité gauloise, où le vice s’étale parfois avec une franchise qu’on pourrait trouver excessive. Cependant le Vieux Wichet et sa femme, chanson populaire du nord de l’Angleterre, rappelle ces bonnes histoires de maris trompés si communes dans notre ancienne littérature, et nous ne serions pas étonné que cette vieille plaisanterie eût pris naissance de ce côté-ci du détroit :


« J’allai à l’écurie, et je vis un, deux, trois chevaux. J’appelai ma tendre épouse et lui dis : — Que font là ces trois chevaux sans ma permission ? — Vieux fou, vieil aveugle, ne vois-tu pas que ce sont trois vaches que ma mère m’a envoyées ? — Oh ! oh ! voilà qui est fort : trois vaches avec des selles sur le dos ! On n’a jamais vu pareille chose. Le vieux Wichet est parti cuckold, cuckold il est revenu.

« J’allai dans l’écurie et je vis suspendues une, deux, trois épées. J’appelai ma tendre épouse, etc.. — Ne vois-tu pas que ce sont trois broches que ma mère m’a envoyées. — Oh ! oh ! voilà qui est fort : trois broches avec des fourreaux ! Le vieux Wichet, etc. »


Le pauvre homme en voit bien d’autres. Chaque partie de la maison lui réserve une surprise toujours exprimée avec la même bonhomie, toujours expliquée avec le même aplomb. Il arrive enfin dans la chambre et voit un, deux, trois hommes dans le lit.


« Que font là ces trois hommes sans ma permission ? — Vieux fou, vieil aveugle, ne vois-tu pas que ce sont trois filles de basse-cour que ma mère m’a envoyées ? — Oh ! oh ! voilà qui est fort : trois filles de basse-cour avec barbe au menton ! On n’a jamais vu pareille chose. Le vieux Wichet est parti cuckold, cuckold il est revenu. »


La chanson va nous conduire à Londres avec ce brave fermier de Norfolk dont l’odyssée, sous le règne de Jacques Ier, est le sujet