Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/902

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

véritable cours d’histoire de la marine anglaise à l’usage des marins et du peuple.

Qui croirait que la France y retrouve aussi quelques pages ignorées de ses gloires navales ? La Mort du capitaine Death nous révèle un exploit dont on chercherait vainement la trace dans nos histoires maritimes. L’action se passe le 23 décembre 1757. Le navire anglais le Terrible, 26 canons, armé en course et monté par 200 hommes d’élite, vient de faire une prise, lorsqu’il rencontre la Vengeance, corsaire français ; un combat furieux s’engage.


« De toutes parts, le feu, les explosions, les balles, brillent, résonnent, frappent. Les haubans sont tout déchirés, les ponts regorgent de sang ; des monceaux de cadavres tombent dans la mer. À la fin, le fatal boulet désigné par le destin pour la mort du brave frappe notre capitaine : il tombe, son second le suit de près, puis chaque officier l’un après l’autre. Alors ce n’est plus qu’un carnage affreux qui rougit au loin l’azur des flots. Telle fut la fin du Terrible ; seize survivans peuvent seuls en dire l’histoire funeste. Les Français furent vainqueurs, mais à quel prix ! Plus d’un brave de leur bord suivit les nôtres au fond de l’Océan, et le bon vieux temps peut dire : « Depuis la reine Elisabeth, je n’ai pas vu le pareil du capitaine Death ! »


Ainsi les Anglais ont conservé le nom et le souvenir de leur compatriote vaincu ; notre indifférence a laissé perdre ceux des Français vainqueurs et du brave qui les commandait ! On sait au reste avec quel amour le marin anglais par le de son vaisseau, seul objet inanimé qui, dans sa langue, ait un genre ou plutôt un sexe. Voici un des anciens de l’équipage qui va faire l’histoire du bâtiment.


« Enfans, voulez-vous savoir comment notre navire a gagné son nom ? Je vais vous le dire. Quand il fut lancé, la renommée le baptisa ainsi : l’Albion, l’orgueil de la mer ! Il n’y a que des braves dans son équipage. Au milieu des canons qui tonnent, c’est un lion dans les combats que l’Albion, l’orgueil de la mer.

« Il fallait le voir s’élancer du chantier dans les flots, et embrasser la mer en lui disant : Tu es à moi ! etc. »


Cette ivresse, cette fascination de la mer, respire à un haut degré dans ces strophes, à peine traduisibles, de la chanson intitulée the Sea.


« La mer, la vaste mer, bleue, fraîche, sans limites ! Elle roule autour des grands continens, tantôt s’élançant jusqu’au ciel, qu’elle semble braver, tantôt bercée comme un enfant dans son lit mobile. Je suis sur la mer, là où je voudrais toujours être, le bleu sur ma tête, le bleu au-dessous… Jamais je n’ai touché la terre, la terre plate et maussade, que je n’aie senti mon amour redoubler pour la mer profonde, et voulu retourner sur son