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« Entrant alors dans les maisons des plus riches habitans, nous fûmes tout un jour à la recherche de leurs richesses et de leurs trésors. Dans quelques endroits, nous trouvâmes le pâté au four, le rôt à la broche ; mais tous les hommes s’étaient enfuis.

« Nous visitâmes les boutiques qui regorgeaient de riches marchandises. Damas, satins, velours magnifiques, voilà ce qui s’offrait à nous, et nous mesurions le tout à la longueur de nos épées, etc. »

Ces idées de butin et de pillage reviennent souvent dans les chansons anglaises, et en affaiblissent un peu l’effet ; il semble que, chez ces braves marins, le stimulant de la part de prise ait besoin de s’ajouter à celui du patriotisme. « A vos rangs, camarades (lit-on dans un couplet populaire)[1] ! Nous pillerons, brûlerons et coulerons bas. La France est à notre merci, car les Bretons ne reculent jamais. Nous saccagerons tout ce qui nous tombera sous la main. Moll, Kate et Nancy rouleront sur les louis d’or. » Il est vrai que cela leur vaut les bonnes grâces des jeunes filles qui chantent de leur côté : « Je ne veux pas d’autre époux qu’un marin ; il rapporte d’au-delà des mers des perles, des diamans, de la soie et du velours. Autrement nous autres, joyeuses fillettes, ne pourrions pas nous faire si braves. Voilà ce qui gagne notre cœur. Je ne veux pas d’autre époux qu’un marin. »

Quelquefois on établit un contraste entre le sort des marins anglais et celui des nôtres, comme dans ce passage, où le poète populaire s’est plus inquiété de frapper fort que de frapper juste : « Quelle heureuse vie mène le hardi matelot breton ! Il se régale d’excellent punch et chante du matin au soir, sans craindre à bord la présence d’un rude geôlier, tandis que les Français gémissent sur leurs galères, condamnés à la rame et à la chaîne, et que leurs officiers ne répondent aux plaintes de leurs victimes qu’en redoublant leurs coups de fouet. »

Il existe sur le combat de la Hogue une chanson contemporaine commençant ainsi : « Le jeudi matin des ides de mai 1692, jour à jamais fameux. » C’est peut-être la meilleure relation de cette bataille mémorable. D’autres retracent les affaires plus récentes de l’Aréthuse contre la Belle-Poule, de la Ville de Paris, de l’Avant-Garde, et le lecteur français aime à y rencontrer les noms de Tourville, du comte de Grasse, de Brueys, cités honorablement, quoique parfois un peu estropiés, à côté de ceux de Rodney, de Howe, de Jervis, de Nelson. Toutes ces chansons, écrites en langage populaire, mais pleines de mouvement et de détails précis, forment un

  1. Inspiré sans doute par quelque tentative de débarquement sur nos côtes, celle de Saint-Cast, en 1758 peut-être, où les assaillans rencontrèrent d’autres Bretons devant lesquels il fallut bien reculer.