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Hanovre, la poésie était du côté des Stuarts. En effet, comment ne pas se passionner pour ce jeune chevalier si beau, si brave, si galant, soit qu’il ouvrît le bal à Holy-Rood avec quelque loyale et belle dame d’Edimbourg, soit qu’il maniât à Culloden la claymore du highlander ? Le poète écossais James Hogg a recueilli et un peu arrangé, sous le titre de Jacobite Relies, une partie des poèmes composés en faveur de cette cause. Il en existe un bien plus grand nombre. Nous citerons une chanson qui a joué un grand rôle dans cette guerre romanesque. Alors elle électrisait tous les cœurs : plus d’une jolie bouche la répéta dans l’ivresse des premiers succès ; plus d’une fois elle retentit sur le passage du prétendant, lorsqu’il parcourait les rues d’Edimbourg, la cité loyale. Qui sait même à quoi il tint qu’elle n’allât jusqu’à Londres accompagner le bruit de la chute d’un trône ? Et maintenant ce n’est plus qu’une curiosité historique. Ces paroles, jadis révolutionnaires, sont devenues profondément inoffensives ; ces accens, doux encore pour une oreille musicale, ont perdu leur puissance sympathique. À peine un demi-siècle s’était écoulé, et Charlie is my darling se chantait à Londres dans les concerts de la noblesse[1], devant les princes de cette maison qu’il avait failli détrôner.


« Charles est mon bien-aimé, oui, mon bien-aimé Charles, le jeune chevalier ! C’était un lundi matin, au commencement de l’année, que Charles parut dans notre ville. Oh ! Charles est mon bien-aimé, etc.

« Comme il s’avançait dans la grande rue, les cornemuses jouaient haut et clair, et tout le monde se pressait sur son passage.

« Bientôt les clans arrivèrent avec leur bonnets bleus et leurs claymores brillantes. Ils venaient combattre pour les droits de l’Ecosse et pour le jeune chevalier. Oh ! Charles, etc.

« Ils abandonnaient leurs chères montagnes, leurs femmes et leurs enfans : tous tiraient l’épée pour le roi d’Ecosse et pour le jeune chevalier. Oh ! Charles, etc.

« Arrière, hommes des basses terres ! A moi l’amour des jeunes filles ! Le montagnard est revenu vainqueur avec le jeune chevalier. Oh ! Charles est mon bien-aimé, etc. »


La poésie, qui avait relevé l’éclat du triomphe, resta longtemps fidèle à la défaite. Une foule de romances touchantes retracèrent les malheurs des vaincus : telles sont Jemmy Dawson, les Lamentations de Strathallan, les Adieux au Lochaber, ballade mélancolique que le docteur Cameron entonna en marchant au supplice, et qui fit fondre en larmes tous les assistans. En vain la France s’efforçait de rendre une patrie à ceux qui avaient fui les persécutions et l’échafaud. Les pauvres réfugiés chantaient tristement :

  1. Song at the Concerts of the Nobility, porte le titre de la chanson gravée, paroles et musique.