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et je serais devenu jésuite, n’eût été la révolution. Et jusqu’à la mort, etc.

« Lorsque Guillaume, pour le bien du peuple opprimé, fut déclaré notre roi, je dirigeai mes voiles vers ce nouveau vent, et je jurai obéissance. Je mis les anciens principes de côté, et tins ma conscience à distance. L’obéissance passive était une absurdité, et la non-résistance une plaisanterie. Et jusqu’à la mort, etc.

« L’illustre maison de Hanovre et la succession protestante peuvent compter sur moi,… tant qu’ils se maintiendront eux-mêmes, car, dans ma foi et loyauté, onques ne chancellerai, et George sera mon roi légitime, à moins que Dieu et les hommes n’en ordonnent autrement. Et jusqu’à la mort, etc. »


Puisque nous touchons à l’époque de la révolution de 1688, nous ne pouvons nous dispenser de dire quelques mots d’une chanson qui, au rapport d’un écrivain contemporain, ne fut pas sans influence sur ce grand événement : c’est le Lilli-Burlero, que d’ailleurs les amis de Mon Oncle Tobie ne nous pardonneraient pas de passer sous silence. Elle fut faite en 1686, à l’occasion de la nomination du général Talbot, furieux papiste, à la lieutenance d’Irlande, et on l’attribue à lord Wharton, qu’il avait supplanté[1]. Le refrain était, à ce qu’il paraît, le cri des catholiques irlandais lors du massacre des protestans en 1641. « Jamais, dit l’évêque Burnet, si petite chose n’eut un si grand résultat : cette folle ballade produisit sur l’armée du roi une impression dont on ne saurait se faire une idée quand on n’en a pas été témoin. Elle fut répétée d’abord par toute l’armée, puis enfin par le peuple des villes et des campagnes, et ne contribua pas peu à consommer la ruine de la dynastie des Stuarts. » Nous en citerons quelques passages : c’est un Irlandais qui parle :


« O frère Teague, on dit qu’il nous vient un nouveau lieutenant. Les Anglais parlent bien haut de leurs droits ; mais il va nous arriver une dispense du pape, et nous pendrons la Magna Charta. Lilli-Burlero, Bullen-a-la.

« Qui le retient, ce cher Talbot ? Par saint Patrice, c’est un vent protestant ! Mais le voici. Celui qui ne voudra pas aller à la messe sera pendu. Lilli-Burlero, etc.

« Une vieille prophétie trouvée dans un marais dit que l’Irlande sera gouvernée par un âne et par un chien. Lilli-Burlero, etc.

« Aujourd’hui cette prophétie s’accomplit : Talbot est l’âne et Jacques le chien. Lilli-Burlero, etc. »


Les tentatives jacobites de 1715 et de 1745, que la politique a peut-être le droit de juger sévèrement, ne pouvaient manquer de sourire à l’imagination. La froide raison était pour la maison de

  1. On assure que Wharton se vantait, dans une phrase tout anglaise et intraduisible, d’avoir rhymed out the king, rimé dehors le roi.