Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/842

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on a en face de soi un spectacle ravissant, une allée magnifique qui reproduit le coup d’œil de la grande allée du tapis vert du parc de Versailles, que l’artiste employé par l’électeur Charles-Théodore, Pigage, a pris pour modèle. À droite du château se trouve une grande galerie d’ordre toscan qui renferme l’orangerie et le théâtre du prince, qui peut contenir six cents personnes ; à gauche, une galerie tout à fait semblable renferme la salle des jeux, celle des festins et la chapelle. L’ensemble de cette construction forme un demi-cercle d’un aspect riant qui rappelle les villas somptueuses de l’Italie. En longeant la grande allée qui divise le jardin en deux parties égales, on rencontre sur la gauche de nombreux et charmans réduits, des curiosités historiques dans le goût du XVIIIe siècle, telles qu’un temple de Minerve, les ruines pittoresques d’un temple de Mercure, un jardin de style oriental et la mosquée, construction piquante, vrai caprice de prince, qui a été édifiée sur le plan de l’une des plus belles mosquées de Constantinople. Entourée d’un long portique, la mosquée s’élève entre deux minarets élégans qui percent l’horizon de leurs flèches légères. C’est une coupole surmontée d’une boule d’où s’élance une colonnette d’or, et dont la façade s’ouvre sur un étang qui en baigne les contours. L’intérieur de la mosquée est d’une grande richesse d’ornementation. Pavée en marbre, les murs sont couverts d’arabesques, d’inscriptions en lettres arabes qui reproduisent de pieuses sentences tirées du Coran. Vue du côté de l’étang, sur lequel on voit errer mélancoliquement des couples de cygnes, la mosquée, avec le portique qui l’entoure et les deux minarets qui se dégagent du milieu d’une végétation abondante, semble offrir aux regards comme la réalisation d’un rêve, la perspective d’un coin de ce monde oriental chanté par Goethe et ses disciples, et dont la beauté sereine communique à l’âme une impression de quiétude inaltérable.

En appuyant sur la droite de la grande allée, au milieu de laquelle on remarque un grand bassin de marbre d’où jaillissent incessamment des gerbes d’eau écumante, on trouve également de délicieuses retraites remplies de statues et de dieux mythologiques, des kiosques mystérieux, des temples, des chalets, des vues pittoresques qui trompent l’imagination, les ruines d’un aqueduc romain, un jardin botanique, une salle de bains, une immense volière remplie d’oiseaux artificiels, dont le bec verse de l’eau dans un bassin qui occupe le centre de cette ingénieuse imitation de la libre nature, artistement exécutée dans le goût du XVIIIe siècle. Parmi les curiosités et les fantaisies coûteuses que renferme ce beau jardin, où l’inspiration allemande a combiné les divers élémens qui composaient l’idéal des classes supérieures, un mélange de ressouvenirs de