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si, pendant la visite de Pompéa, Isabelle découvrait notre passé ? Quelle ne serait pas son indignation en voyant une ancienne maîtresse présentée par vous, accueillie par moi, introduite dans sa maison ! Ne devrait-elle pas supposer que nous nous entendons pour la trahir ?

NOIRMONT

Sur ce point, nous sommes forts de notre conscience, D’ailleurs Pompéa est incapable de manquer à sa promesse.

HERMAN

D’accord, mais il suffit qu’un malheur soit possible. Tandis qu’en me rendant demain secrètement chez elle, après une explication tête à tête, nous nous serions quittés comme deux bons amis.

NOIRMONT

Tu le crois ! Est-ce sérieusement que tu viendras me dire qu’une fois attiré dans ce logement plein d’ardens souvenirs, seul avec cette enchanteresse, dans l’abandon d’un premier tête-à-tête, mais fort de ton amour pour Isabelle, tu serais sûr de rester dans les bornes d’une honnête amitié ? L’amour, c’est ta vertu ; mais ta vertu est bien jeune encore pour marcher toute seule ! J’ai préféré qu’elle s’appuyât d’une main sur George, de l’autre sur Isabelle. Obéissant à un premier mouvement, Pompéa est venue te trouver au centre de tes affections. J’ai cru plus sage d’en profiter. Une visite à la tour de Maran explique sa présence ; elle est d’ailleurs escortée de la vieille Barini… Enfin la présentation à ta femme a eu lieu, et celle-ci, passionnée pour la musique, lui a fait le plus charmant accueil. Au surplus, elles arrivent ; songe à te bien tenir.


SCÈNE IX.
LES PRECÉDENS, ISABELLE, POMPÉA, LA SIGNORA BARINI.
HERMAN cornant vers Pompéa, qui s’est arrêtée, en proie à une vive émotion, et lui prenant la main.

Je suis heureux de vous revoir, mademoiselle.

POMPÉA, avec effort.

Charmée,… en effet.

BARINI, avec impétuosité, prenant Herman dans ses bras.

Eh ! caro Bricone ! Zé croyais que mé povérés yeux ne te (se reprenant) ne vous verraient plous. (Se tournant vers Isabelle.) Il faut m’escouzer, madame la comtesse ; ma, zé l’ai connou qu’il avait moins dé barbé qué moi.

ISABELLE

Vous le voyez, Henri, tout le monde vous aime. Qu’on est heureux de vous avoir connu depuis votre enfance !

POMPÉA, se remettant peu à peu, à Noirmont.

Mon bel oncle, avez-vous expliqué au comte par quel hasard, étant venue passer deux jours à Fontainebleau, et parcourant la forêt, notre postillon nous a proposé de visiter la tour de Maran ?

NOIRMONT

Sans doute, et Herman m’en a témoigné toute sa joie.