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son nom, de ne correspondre qu’avec moi, et de rester en Allemagne au moins un an.

POMPÉA

Quel bonheur ! lui si généreux dans la prospérité ! si fier dans la détresse ! car à présent je puis vous le dire, peu de temps avant sa disparition, avertie par Dubois de sa ruine, je lui avais offert de partager une fortune qui est la sienne, puisqu’elle est acquise tout entière par le talent que je lui dois; mais il m’avait repoussée avec indignation. C’est la seule fois peut-être qu’il se soit montré dur et hautain avec moi.

NOIRMONT

Ce n’est pas tout : en Allemagne, le nouveau comte Herman s’est épris de Mlle de Blümenthal, et l’a épousée.

POMPÉA, émue.

Pompée marié!... Je n’aurais jamais cru...

NOIRMONT

Marié, et chaque jour plus amoureux de sa femme : le mieux me semble donc que vous renonciez à le voir;

BARINI

Noirmont a raison : zé souis soure que ça te fera mal.

POMPÉA

Mon Dieu ! vous savez bien que je suis habituée à ses infidélités ! Après deux ans de séparation, je retrouve le seul homme que j’aie aimé; je sais qu’il est là, peut-être à deux pas de moi, et vous me proposez de partir sans l’avoir vu, sans m’être assurée par moi-même qu’il existe! Cela est au-dessus de mes forces. Je ne demande que la faveur de lui parler un instant; pour l’obtenir, je m’adresserais à sa femme elle-même.

NOIRMONT, après un moment de réflexion, à lui-même.

Après tout, il vaut peut-être mieux... (Haut.) Vous êtes bien décidée?

POMPÉA

Oui, cent fois oui !

NOIRMONT

Et vous me jurez jusqu’à votre départ une obéissance absolue?

POMPÉA

Comptez sur ma parole.

NOIRMONT

En ce cas, venez toutes les deux avec moi.


SCÈNE III.
DUBOIS, LISETTE.
DUBOIS, tenant un violon sous le bras.

Viens, nous serons bien ici.

LISETTE

Comment, monsieur Dubois, vous avez apporté un violon?

DUBOIS

Il le faut bien pour te donner une leçon de danse.