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Chine ou de l’Australie. L’autre jour, à Rochdale, MM. Cobden et Bright avaient réuni leurs amis. Un Français qui aurait été prévenu de ce meeting aurait cru certainement que ces deux orateurs populaires, les hommes par excellence des congrès de la paix, n’allaient entretenir leurs auditeurs que de la grande idée du congrès impérial. C’est à peine si M. Cobden a dit quelques mots, encore peu favorables, de cette ingénieuse combinaison diplomatique. Dans des discours qui remplissent six colonnes du Times, M. Bright et M. Cobden n’ont parlé que des affaires des États-Unis et du bombardement de Kagosima ! S’il y a eu récemment quelque différend entre lord Russell et ses collègues, ce n’est point au sujet du congrès, c’est à propos de la politique japonaise. Si la question de cabinet est posée dans la prochaine session et si la chambre des communes écarte lord Palmerston du pouvoir, soyez sûr que ce ne sera ni sur le prétexte de la Pologne, ni sur le refus du congrès; ce sera sur la politique violente suivie envers le Japon. Les Anglais sont ainsi faits, et ils ne s’en cachent point. Ils sont en politique plus fanfarons de vices qu’hypocrites de vertus. Les connaissant tels qu’ils sont, il est absurde de les vouloir pour compagnons de route à tout bout de champ, de les importuner, comme on l’a fait depuis un an, par des avances réitérées auxquelles il devait être dans leur humeur de répondre par des rebuffades. C’est déjà un grand point que, sur les questions qui intéressent le libéralisme en Europe, ils soient obligés, par leurs institutions et leurs habitudes de franc-parler, de tenir un langage à peu près semblable au nôtre. Faisons seuls ce que nous voulons et ce que nous savons faire mieux qu’eux ; quand cela nous conviendra, nous les ferons toujours marcher avec nous, à la condition de les tenir par le fil d’un intérêt. Ce serait une faute plus regrettable encore de pousser la pique jusqu’à essayer de contrarier l’Angleterre sur des questions politiques où des intérêts traditionnels et de formels engagemens ont d’avance tracé notre conduite. On a eu l’air, par des insinuations glissées dans la presse officieuse, d’annoncer qu’on chercherait ainsi une revanche du refus de l’Angleterre dans les incidens auxquels donne lieu la question dano-allemande. Vis-à-vis de l’Angleterre, le jeu serait bien puéril; vis-à-vis du Danemark, il serait bien injuste ; vis-à-vis des intérêts du Nord et de ce groupe Scandinave qui est l’allié séculaire de la France, il serait bien maladroit. Nous regrettons profondément que l’Allemagne, s’emportant d’une passion nationale, veuille profiter de la mort du roi Frédéric VII pour compliquer d’une question de succession la difficulté déjà si embrouillée des duchés danois. L’intérêt qui pousse l’Allemagne n’est que trop évident. Si la question de la succession danoise n’avait pas été réglée par un traité, si les prétentions du duc d’Augustenbourg sur les duchés de Slesvig et de Holstein étaient fondées, l’occasion en effet serait magnifique pour détacher de la monarchie danoise les deux duchés, et pour placer en des mains allemandes l’un et l’autre bord <le la rade de Kiel. On n’aurait plus même alors besoin de tenir éternellement suspendue sur le roi de Danemark la menace de l’exécution fédérale