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terminé cette discussion en quinze jours et en deux dépêches, qu’elle eût été abandonnée aux méticuleuses lenteurs de la diplomatie continentale, elle eût traîné durant de longs mois pour finir par le même résultat. Que, si l’on eût attendu d’être à Paris pour étudier ces questions, on eût perdu plus de temps encore pour aboutir au même avortement; le fracas du déplacement de tant de souverains et de ministres n’eût servi qu’à rendre l’échec de cette tentative impuissante plus sensible et plus grave encore. En somme donc, le prompt refus de l’Angleterre ne fait que nous épargner de longs et inutiles délais. Il nous empêche de nous amuser à de stériles diversions épisodiques, il nous enlève à la distraction des solutions imaginaires, il nous replace sur-le-champ en face de ces difficultés formidables que l’empereur signalait, il y a moins d’un mois, avec une si courageuse fermeté.

N’allons pas perdre davantage notre temps à regretter la séduction du congrès. Ce siècle est déjà vieux; il est pénétré de démocratie; il doit être positif. La génération virile de la France actuelle peut renoncer sans déplaisir à l’enfantillage du spectacle d’un parterre de rois. Si quelques-uns ont été déçus dans leurs espérances, qu’ils reconnaissent du moins que les déceptions qui se font le moins attendre sont les moins fâcheuses. Il y a au surplus tout un aspect de ce congrès projeté qui ne pouvait sourire d’aucune façon à la France démocratique et libérale. La crise européenne est toute dans l’antagonisme qui va s’irritant chaque jour entre les droits nationaux et les droits dérivés de la tradition féodale, entre l’esprit, de liberté et le principe autocratique. Or la composition du congrès projeté était semblable à celle des congrès dont les peuples et la liberté ont eu si souvent à se plaindre. Nous voyons bien que les princes qui s’appuient encore sur les ruines féodales, que les autocrates devaient y siéger; nous ne voyons pas la place qu’y auraient occupée les représentans des peuples et de la liberté. Il se peut que ce beau rêve d’une fédération européenne que Henri IV avait conçu se réalise un jour; mais, pour que cette idée grandiose devienne en Europe la sauvegarde efficace du droit et de la paix, il faut que toutes les nations qui forment la communauté européenne soient maîtresses d’elles-mêmes et soient libres. Évoquons les desseins généreux, aspirons à une ère de paix et de justice; mais soyons conséquens et pratiques. Henri IV lui-même ne se dissimulait point qu’il ne pourrait fonder sa fédération que par la guerre, et c’était en effet par une grande guerre qu’il allait, au moment de sa mort, mettre la main à l’œuvre. Si l’on veut bien s’élever à un point de vue philosophique, on reconnaîtra que ce n’est point à des souverains qui oppriment des nations dominées par la conquête, que ce n’est point à des souverains qui disputent à leurs peuples la liberté intérieure, qu’il appartient de former le congrès d’où sortira l’organisation de l’Europe émancipée et rajeunie.

Le moyen pratique de conciliation universelle suggéré par l’empereur s’évanouissant avec le congrès, il ne reste plus du programme impérial